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Miles Davis à la cité de la musique, ou pourquoi vous devez voir cette exposition

par arbobo | imprimer | 16nov 2009

J’ai suffisamment massacré d’exposition dans ces pages, arguments à la clefs, pour vous conseiller en toute sincérité celle consacrée à Miles Davis à la Cité de la musique. Comme à son habitude, la Cité a conçu autour de l’exposition un programme riche de projections et de concerts.

Enfin des commissaires d’exposition qui comprennent que la musique, ça s’écoute. Une révélation qui prouve qu’être commissaire d’une expo d’art graphique ou consacrée à un musicien, ça n’a aucun rapport. Que les fumistes qui méprisent le public en les prenant de haut (l’expo Un siècle de jazz à Branly) en prennent de la graine et mesurent à quel point ils se sont plantés. Et qu’ils suivent l’exemple de Vincent Bessières et Eric de Visscher.

Une exposition n’est pas une conférence ni un livre-somme faisant le tour d’un sujet considérable. Une exposition est un moment physique, un parcours visuel et sonore, une immersion durant laquelle on n’apprend pas tout mais dont on ressort en ayant le sentiment d’avoir ressenti une oeuvre.
Plus exactement, voilà comment je définis une exposition réussie. Et l’on ressort de l’expo We want Miles repu, content, et avec l’envie de prolonger ce moment par d’autres, en écoutant quelques uns des nombreux disques qu’on ne connait pas encore. Car même un jazzophile de premier ordre ne connait qu’une partie des dizaines d’albums publiés par le trompettiste.

Si tant d’expositions consacrées à la musique sont ratées, c’est que le sujet n’est pas simple à “exposer”. Il y a quelques mois les mêmes lieux s’efforçaient poussivement de rendre hommage à Gainsbourg sans y parvenir plus de 2 minutes.

D’abord, la simplicité. La liberté de parcours fait qu’on peut bousculer les époques, consciemment ou non, mais on sait toujours à quelle période de Miles on se trouve, et le principal reste que le parti-pris linéaire fonctionne. Un fil chronologique, assez linéaire au rez-de-chaussée, puis découpée en trois au sous-sol. Non pas que l’oeuvre de Miles Davis soit totalement linéaire, mais l’ordre chronologique a ses vertus, à commencer par la clarté. Et c’est un ordre qui n’a rien d’abstrait, de fabriqué.
On s’attendait à pléthore de photos magnifiques, et l’on n’est pas déçu. C’est tout le reste qui soulevait attentes et questions. Les oeuvres extérieures, comme ces deux belles peintures de Basquiat, sont peu nombreuses et l’on reste concentré sur l’oeuvre musicale de Miles (mais ne loupez pas ce court billet de Davis où il signe “motherfucker”). Miles à Paris, Miles et la drogue, Miles et Gil Evans, Miles et le racisme,  Miles et ses compagnes, on n’a ni oubli ni totale surprise, ce qui est le meilleur moyen de satisfaire tous les publics. Ceux qui aiment avoir plus d’explication pourront se tourner vers le très bon dossier de presse.

Logiquement, plus on approche la fin de l’exposition et plus le mythe prend de l’importance, plus la mise en scène compte. Musicalement, Davis est comme tant d’autres, les derniers moments de sa vie ne sont pas les plus intéressants artistiquement. Sans être déshonorante, la fin de sa carrière a vu le personnage l’emporter sur le trompettiste. Ce basculement est assez tardif dans l’exposition, une expo respectueuse sans être exagérément révérencieuse.
Dans le même mouvement, assez subtil lorsqu’on est plongé dans le fil de l’évènement, les interviews de l’artistes apparaissent sur le tard, alors qu’on l’a déjà longuement vu et entendu. Manière de nous dire que Miles Davis a cherché à donner une certaine image de lui-même, et que le spectateur est amené à se forger la sienne avant d’avaler la version officielle, si intéressante soit-elle (et Miles Davis, un type remarquablement intelligent, était extraordinairement intéressant!).

Si l’on enlève la simplicité du fil directeur, cette exposition a d’autres atouts. Une expo n’est pas le lieu d’apprendre dans le détail l’intégralité d’une discographie ou d’une biographie. Au mieux, comme ici, elle se sert des moments-clefs les mieux connus pour nous amener l’air de rien vers des oeuvres ou des aspects moins fameux. Une pédagogie par capillarité, si l’on veut, qui se situe au juste point entre public de connaisseurs et novices. Une expo qui ne serait destinée qu’aux spécialistes, comme celle du quai Branly, est faite par des imbéciles prétentieux (1). L’expo Miles Davis a une qualité qui s’adresse à tous. La durée. L’immersion.

Visuelle.

Sonore.

Contrairement à l’expo Gainsbourg, tout ce qu’on entend sont des oeuvres originales où Miles figure lui-même. Dans le cadre du musée, on mesure mieux la position de Miles Davis au sein de ses ensembles. Souvent lorsqu’on branche les écouteurs, on doit attendre un long moment avant que la trompette résonne. Preuve qu’un bon leader ne sert pas exclusivement son propre instrument.

Lorsqu’on nous parle de Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle, c’est avec une projection d’un très long extrait, en 3 mètres sur 4 sur un mur. Une véritable image de cinéma, qui vous fait instantanément vous arrêter. Toute l’exposition est jalonnée de  très longs extraits, sonores dans des alvéoles bien isolées et bien sonorisées, ou visuels sur des murs. Un  casque remis gratuitement à l’entrée permet de se brancher à de nombreux moments pour profiter d’un morceau entier. Avec un réglage du volume, qui n’a rien d’un luxe.

On se branche ou non, on reste ou non devant le film, dans l’alvéole. Mais la sélection est si bien choisie qu’on reste, en réalité. Voilà une exposition où l’on peut s’assoir et voir un concert, au moins durant la durée d’un morceau. Les photographies, nombreuses, sont souvent connues et toujours belles. Mais on passe finalement plus de temps à écouter Miles Davis, que ce soit celui des années 50 ou celui électrique et funk des années 70.
Ce Miles “électrique” a la part belle, et malgré le succès de Bitches brew ou On the corner, il n’est pas certain que ce soit le mieux connu du public, qui aura plus facilement en tête les plus anciens Kind of blue, ‘Round midnight ou Sketches of Spain. Un choix d’autant plus cohérent qu’il arrive en fin de parcours après que les jalons “classiques” aient été posés.

On ressort de là content et bourré d’envie de découvrir des enregistrements qui nous avaient échappés jusque là. Sans avoir la tête farcie de milliers d’informations, et sans avoir survolé non plus.

Vous avez jusqu’au 17 janvier et vous pouvez réserver vos billets à distance.

(1) : oui, on finira par le savoir, mais en 3 ans je n’ai vu qu’une seule expo sur la musique qui mérite d’être vue, et si l’on peut contribuer à ouvrir les yeux aux institutions pour qu’elles choisissent des commissaires compétents, on ne s’en privera pas.

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Comments

7 Commentaires


  1. 1 Vaness on novembre 16, 2009 1:29

    Ah bah clairement tu m’as donné envie là !! :o)

  2. 2 Benjamin F on novembre 16, 2009 3:44

    Très bonne chronique qui analyse parfaitement les raisons du succès de l’expo. On y sent bien l’aspect massif, exhaustif et toujours à l’écoute du visiteur

  3. 3 Christophe on novembre 16, 2009 22:48

    Je confirme tout tout tout

  4. 4 arbobo on novembre 16, 2009 23:42

    tout le monde il est d’accord :-)

    ça fait plaisir à voir ^^

  5. 5 artigue on novembre 28, 2009 22:31

    Bonjour,votre chronique est complète et interessante
    De très beaux clichés photographiques, de belles trompettes signées Miles Davis,enfin une très belle exposition musicale,on y voit le bassiste Marcus Miller à ses débuts avec Miles. Malheureusement l’espace est trop petit pour l’affluence de visiteurs,un conseil prenez à l’avance vos billets sur le net….
    Vous êtes sévère avec “le siècle du Jazz” mais c’est vrai que l’expo n’était pas à la portée de non-initiés.

    A bientôt Jocelyne ARTIGUE

  6. 6 arbobo on novembre 28, 2009 22:54

    merci jocelyne pour le compliment, j’ai vu l’expo en semaine, ce qui m’a permis d’en profiter pleinement.

    sinon, “l’expo n’était pas à la portée de non-initiés.”
    oui, et c’était délibéré, ce qui est une forme de doigt d’honneur envers le public, je me trouve donc moins sévère que les commissaires de ladite exposition.

  7. 7 Mathias on avril 5, 2010 12:53

    je confirme, une chronique très riche et qui rend parfaitement justice au travail d’orfèvre des commissaires et des scénographes aussi. Il faut dire que la trompette de Miles se prête particulièrement bien à une telle diffusion dans l’espace…
    Et en passant, je partage tout à fait votre avis sur la détestable et rageante expo sur le jazz au quai branly, catastrophique au point de vue scénographique… (quant au free jazz qui se terminait dans une impasse, cela ne mérite même pas de commentaires).

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