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Topic: cat power
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Cat power, naissance d’une show girl

par arbobo | imprimer | 6juin 2008

Déroutante Chan Marshall, qui depuis quelques temps se révèle décevante et pourtant se révèle aussi, tout court. De quoi donner des maux de tête à l’afficionado dévoué que je suis, au fan énamouré déçu et pourtant impressionné.
C’est à n’y rien comprendre. Alors retenons surtout ceci : Cat Power est devenue une vraie artiste de scène, une showgirl impressionnante.

C’est le bilan qu’on pourra tirer des 2 concerts parisiens de sa tournée 2008. Après le lancement de la tournée de Jukebox au Bataclan le 21 janvier, Cat Power revenait à l’Olympia le 1er juin, avant de participer à des festivals un peu ailleurs. L’histoire d’amour de Chan Marshall avec la France bat plus que jamais son plein.

Une histoire d’amour très exclusive, or les amours transies ne supportent ni délai ni qu’on les détourne de leur objet. Appaloosa, que j’ai eu le plaisir d’interviewer ici et de chroniquer là, fait la première partie de Cat Power sur toute la tournée. Le début au Bataclan tourna au cauchemard par la faute d’un ordinateur récalcitrant, et 5 mois plus tard le public en tient toujours rigueur à Anne-Laure, chanteuse de plus en plus assurée mais prise à partie avec une rare violence, au point qu’on en oublierait presque la présence de nouveaux morceaux excellents.

Atmosphère électrique. Marie-Flore, arrivée pile à temps pour assister aux huées, verra la suite du concert du fond de l’Olympia. J’espère qu’elle en aura autant profité que de sa rencontre avec Gregg Foreman et toute la bande de Chan Marshall, qui l’ont accueillie un peu plus tôt. Certes les murs délabrés de l’Elysée Montmartre me font mal au coeur, mais le côté propret et institutionnel de l’Olympia me déplait plus encore. Pas de parquet, une moquette de bureau, ventilation par le sol, rien de charmant.

Je m’en moquerais peut-être si le son était impeccable et la température idéale, mais par deux fois les pompiers sont venus récupérer une personne évanouie de chaleur, et le début du set était saturé de basse à un point inadmissible dans n’importe quelle salle de patronage. Le reste fut à peine mieux, la voix de Chan étant parfois couverte par les instruments. Foutage de gueule, que Chan en personne s’efforça de corriger en cours de set en demandant personnellement à la console de corriger ci ou ça, et c’est grâce à elle-seule qu’on finit par avoir un son passable.

Pourquoi toutes ces récriminations? J’ai voulu voir Cat Power 2 fois sur la même tournée, sur un disque que j’ai aimé mais moins que les précédents, alors tant pis pour moi. En réalité, si le set d’Appaloosa a clairement pris de l’épaisseur, pour Cat Power le Bataclan de janvier était plus intéressant. La salle et le son y sont pour quelque chose, et peut-être aussi les artistes. Car malgré les scories un concert de lancement contient une part d’excitation unique par essence. Le public, lui, est comme en communion, ce qui est un poil exagéré au vu du concert.

Comment se fait-il que je me sois rué sur cet Olympia, puisque je savais que je n’allais pas voir le concert de l’année? Et qu’avant lui je me sois rué sur le Bataclan tout en ayant fait le tour d’un Jukebox en dents de scie?

A cause d’elle. Elle, Chan Marshall, ce n’est pas rien. Une grande partie de son public l’a découverte avec You are free ou un disque précédent. A l’époque, cette écorchée devait se faire violence pour monter sur scène, s’enfilait des bouteilles pour se donner du courage, et n’était donc pas en mesure d’assurer un bon concert ni même de se concentrer tout du long. La peur, cette bête sournoise, vous connait bien et cette saleté sait comment vous dominer.
L’artiste Cat Power est aussi née dans cette peur, cette vérité nue et ces interprétations désespérées nous ont touché. Au point de créer une relation particulière entre Cat Power et son public, mêlée d’amour, d’envie de la protéger, de fascination pour cette voix au bord de l’abime, et de compassion.

Après avoir vu la mort dans les yeux, Chan Power a réussi un exploit: sortir la tête de l’eau. Et la femme qu’elle est devenue a changé l’artiste qu’elle était. Au point de la rendre méconnaissable.
Au vu de déclarations passées, je me doute que Chan est lasse de jouer ses anciens morceaux. Mais je pense aussi qu’ils correspondent à une période de son existence avec laquelle elle a rompu, chargée de souvenirs aigres.
En cela, j’admire la femme, plus que jamais. Mais l’artiste?

L’artiste, elle, se tient plus éloignée du gouffre. Toujours autant capable d’une vraie beauté, comme avec The greatest ou Metal heart, elle est moins déchirante, hormis peut-être sur Angelitos negros. Moins le doigt dans la plaie, et plus dans le contrôle. Plus perfectionniste que jamais, comme lorsqu’elle règle en plein concert le son de la salle (bien obligée vous me direz).

Les personnes qui se protègent montrent moins d’émotion et vous en font moins ressentir. C’est ce qu’on reproche à Cat power avec ses derniers disques, principalement Jukebox. Evidemment le reproche est fondé, et quantité d’artistes l’ont subi avant elle, comme les Rolling Stones par exemple.

Mais ça n’est pas si simple. Car un concert de Cat Power est devenu un moment fort. On ne guette plus le moment de sa faillite, mais on profite de sa voix. De sa présence, inévitable et magnétique. Je vous disais il y a 18 mois combien Chan Marshall faisait tout pour se rapprocher du public, s’exposant comme jamais elle ne l’avait fait.
Au Bataclan, elle était un peu diminuée vocalement, et la douleur lui a fait écourter le show. A l’Olympia en revanche, malgré les barrière de protection (de protection!?) on a pu profiter d’elle jusqu’au bout.
Petit à petit, concert après concert, Chan prend un peu plus possession de la scène. Les photographes ne l’empêchent plus de se concentrer, elle prend même la pose par moments. Joueuse par nature, facétieuse, elle joue ses chansons avec conviction, mimant mille expressions. Son corps, son visage, ont rejoint sa voix pour faire d’elle une showgirl.
Ses musiciens bougent peu, tandis qu’elle sillonne la scène, se donnant à tout son public sans oublier personne, elle est même si mobile qu’on a peine à la photographie nette !

Moins fille fragile, plus maîtresse de ses émotions, Cat Power a changé. A un point assez bluffant, à vrai dire. Ses concerts illustrent à quel point elle est devenue une star mondiale, que s’arrachent les magazines. Ce qu’elle nous donne aussi a changé. Ses premiers disques nous ont donné ses tripes, son coeur, sa peau à vif. On pourra toujours les écouter, et espérer qu’elle nous redonne un jour ce genre de frissons là. Mais elle était alors prisonnière, inaccessible en un sens, si loin de nous. Aujourd’hui malgré la foule la voilà proche, se donnant pour de bon, à son rythme, à ses conditions, mai sse donnant comme jamais.

Cette mue est passée par le corps autant que la voix. Déjà, par des collaborations Cat Power avait fait l’expérience de n’être que chanteuse. Une fois de temps en temps. Depuis the greatest, elle ne joue quasiment plus d’instrument. Ce qui lui permet de nous donner sa voix, d’une manière d’incroyable. Nouvelle.
Libérée.



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