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Mange disques : Christian Marclay

par arbobo | imprimer | 20juin 2007

J’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Il ne reste que 5 jours pour voir l’exposition Replay à la cité de la musique de Paris. Mais vous trouverez d’autres occasions et lieux pour découvrir Christian Marclay.

Christian Portzamparc, architecte de la sublime cité de la musique, a eu bien des ennuis récemment, et pour couronner le tout il vient de perdre le concours pour la construction de la philarmonie qui s’accolera à la cité. Pourquoi ce préliminaire, ô lectrices et lecteurs attentifs et scrutateurs patentés de mes errements narratifs?
Parce que c’est la première fois que le musée de la cité consacre une exposition à un plasticien, en l’occurrence un vidéaste et performer, pour être précis. Parce sans doute jamais cette cité et ses formes complexes mais chaleureuses n’a autant été en adéquation avec l’exposition qu’elle abrite. Cette cité est remarquable par la musique qu’elle met en valeur, mais aussi par sa forme et son existence même.

Et voilà bien le point commun avec Marclay, qui produit des oeuvres musicales et/ou à partir de musique, mais sans être musicien au sens habituel de compositeur ou interprète d’un instrument.
La musique intervient en plein dans l’oeuvre de Christian Marclay, né Suisse et plutôt américain d’adoption. Mais ça va au-delà, c’est la matière sonore qui est son matériau de départ. Vous allez saisir rapidement la nuance.

Qui dit “matière musicale” dit matière tout court. Tourne-disque, disque, sont utilisés en eux-mêmes, non pas pour eux-mêmes comme objets mais bel et bien parce qu’ils sont censés porter du son. Marclay a commercialisé des vinyls sans aucun son mais aussi sans pochette : le simple fait d’être déplacé, transporté, infligeait à la surface des rayures uniques, spécifiques à chacun de ces disques, dont le rendu sonore était lui-même forcément unique.

Ce sont d’autres oeuvres qui composent la rétrospective à la Villette. Notamment Fast music, film d’une vingtaine de secondes où l’on voit Marclay dévorer un disque vinyl en accéléré.

Le support est détourné, la musique est abordée par sa dimension physique, par l’objet, mais aussi par la destruction. Et ça c’est fondamental chez Marclay qui a l’âge d’avoir découvert les punks au bon moment, alors qu’il était en train de forger sa propre identité artistique (il est né en 1955). Le côté direct, dilettante et destructeur du punk est très présent chez lui, parallèlement à un côté extrèmement pensé et conceptualisé, ce qui est tout sauf punk. Malcom Mc Laren et les commentateurs ont quantité de concepts sur le punk, mais les vrais groupes punks, eux, nettement moins. Avec Marclay, on a les deux dimensions.

L’oeuvre visuelle de Marclay est mise en avant dans cette exposition, mais il a aussi créé un groupe, Bachelors, even, fait des concerts, des disques, notamment avec la crème de l’avant-garde dont deux membres de Sonic Youth, Lee Ranaldo et Thurston Moore. D’ailleurs on peut entendre certains morceaux dans un chambre d’écoute située à mi-parcours de l’expo, et sur le mini-site public de l’exposition.

Une partie de ces pièces sont construites à partir d’extraits de films samplés, et de scratches. Malaxer le matériau sous toutes ses formes, le pousser à ses limites Marclay le fait de manière très impressionnante et ils restent dans nos têtes longtemps.
Dans Cross fire, qui dure 8 minutes et 30 secondes, nous sommes cernés par 4 écrans blancs, debout au milieu nous nous tournons pour regarder d’abord des mains qui chargent des armes, puis nous mettent en joue. Un coup vient de la droite, bang!, un deuxième tir arrive de face, on entend derrière nous le bruit du percuteur qu’on remonte, puis tout s’accélère, des films d’action seules les images de tir face caméra ont été conservées. C’est éprouvant, avant tout, mais par moments le montage parvient à un réel effet rythmique, percussif, très musical, et l’on s’y accroche jusqu’à ce que le sifflement des balles et les gros plans sur ces bouches de canon qui nous visent reprennent le dessus.
Destruction.

Destruction des repères ordinaires. Destruction d’une guitare. La guitare est branchée à l’ampli. L’ampli est mis dans la voiture. Une corde aussi longue que le câble relie la guitare à la voiture. Et roule, roule bolide dans la poussière et les chemins terreux du fin fond du Texas. Les sons tirés de la guitare, provoqués par les vibrations et les chocs sur le sol, se mêlent au frottement de la caisse sur le goudron, les herbes, jusqu’au moment où, après 14 minutes de film de la guitare en gros plan, le cable arraché lors du parcours, il ne reste que l’instrument à moitié défoncé et griffé. Le film réalisé en 2000 s’appelle Guitar drag.

Destruction, boucles, scratches. La platine vinyle, le tourne-disque est plusieurs fois à l’honneur. Dans Gestures, qui dure 9 mn, 4 écrans diffusent en parallèle l’image des vinyles “préparés”, au sens des pianos préparés de John Cage. Surface recouverte d’un texture, rayures délibérées, bandes adhésives placées pour faire sauter la pointe du diamant… et parfois l’intrusion d’une main de Marclay, qui accélère, suspend, ralentit le défilement, on effectue des percussions sur la surface pour obtenir un effet rythmé. Les disques sont souvent translucides et colorés, ou peints avec des couleurs vives, et la performance nous amène à des kilomètres de nos salles de concert habituelles.
On verra des points communs à la fois avec Ghost (I dont’t live today) ainsi qu’avec Record players.
Ghost (1985) utilise un instrument mis au point par Marclay, qui n’a jamais appris à jouer de la guitare. Il a légèrement modifié un tourne-disque portatif, y a ajouté une sangle, et le porte comme un guitare, singeant Jimi Hendrix en modifiant de la main le défilement du disque, le scratchant, etc. Une de ses dénominations d’artiste est la catégorie “turntablist” (terme réservé aux DJ qui manipulent les platines vinyl).
Tandis que pour Record players (1984), on ne voit pas les visages, mais c’est tout un groupe qui s’échine sur des disques. Tenus à bout de bras, frottés l’un contre l’autre, martelés l’un avec l’autre, tordus, secoués violemment comme des éventails, frottés avec l’ongle, les disques émettent toutes sortes de sons à l’exception de celui enregistré à l’origine. Ephémère, inédit, irreproductible.

Les anglophones pourront prolonger la découverte avec cette longue interview ou cette autre. Ce documentaire de 5 minutes et quelques est en anglais, désolé je mets ce que je trouve X_x  Je vous le recommande vraiment, on voit tous les procédés en image et en sons et pas mal d’extraits de ce que je viens de décrire, c’est génial!

Je vous passe d’autres pièces de l’expo, pas forcément moins intéressantes. Ses objets, comme un coussin tissé avec des bandes audio, ou ses sculptures comme un accordéon géant, sont assez tripants aussi. Mais j’ai un faible pour ses montages iconoclastes, dans lesquels il agence des pochettes de disques avec humour et rébellion.

A la sortie de l’expo, on vous propose de laisser votre mail pour accéder à une partie en ligne, pour revoir Fast music, film muet de 21 secondes qui garde tout son impact vision après vision. Miam.



Comments

1 Commentaire


  1. 1 arbobo on février 12, 2011 14:11

    y’a qu’à moi que ça donne faim on dirait.

    le djing, depuis les années 80, a été l’occasion de filmer les gestes de doigts, des mains, les postures spectaculaires que prennent certains DJ, bref la dimension esthétique et même graphique du turntablism est assez forte.

    pas étonnant donc que dans ses itw Marclay cite le hiphop.
    J’ai failli en causer mais mon billet partait déjà dans toutes les directions…
    Commentaire n°1 posté par arbobo le 20/06/2007 à 15h11
    nan mais je veux pouvoir lire tranquille, et là c’est pas le cas…
    le seul truc c’est ZUT ! je vais rater l’expo.
    c’est pas la première que je rate remarque;-p
    Commentaire n°2 posté par rififi le 20/06/2007 à 17h42
    Ben pareil.
    Ça t’apprendra à faire des billets longs et denses et à les poster à minuit passé. ;-)
    Commentaire n°3 posté par Ama-L le 20/06/2007 à 18h09
    oui, encore un dont j’ai réalisé la longueur… le lendemain ;-)
    Commentaire n°4 posté par arbobo le 20/06/2007 à 18h57
    Je viens de mater le minidocu en britton,
    c’est en effet assez délirant.
    Quand je pense que je n’aurai pas le temps de voir cette expo :-(
    Commentaire n°5 posté par Ama-L le 20/06/2007 à 19h39
    evidemment, comme tu parles bien des choses que tu aimes, tu m’as donné envie d’aller la voir cette expo. Pour la curiosité, pour voir et entendre ce qu’il arrive à faire. En même temps, je ne suis pas sure qu’au final j’aurais aimé, parce que quand ça tourne trop, voire exclusivement, à une sorte de prise de tête mix de sons plus ou moins tordu, ça me lasse. Et puis la destruction, le déchirement ça me plait moyen. Mais le minidocu donne envie d’en savoir davantage. donc je regrette de ne pas pouvoir y aller parce que justement j’aimerais bien savoir ce que finalement j’aurais pu tirer de tout ça…
    Commentaire n°6 posté par rififi le 21/06/2007 à 09h22
    ses pièces sonores ne sont pas forcément dans la destruction, et il a un montage en parralèle sur 4 écrans qui diffusent des extraits de films musicuax (ou non), qui n’est pas du tout agressif.
    mais dans l’ensemble sa démarche est clairement radicale, effectivement.
    Commentaire n°7 posté par arbobo le 21/06/2007 à 09h53
    j’oubliais cette interview récente dans Libé :
    http://www.liberation.fr/transversales/weekend/244571.FR.php
    Commentaire n°8 posté par arbobo le 21/06/2007 à 14h25
    C’est impressionnant de voir à quel point tu parles si bien de ce que tu ne connais pas ;-)) La cité de la musique : un lieu magique !
    Commentaire n°9 posté par cath le 22/06/2007 à 19h40
    et toi tu as l’art de tourner les compliments ^^
    quel lieu somptueux en effet.
    Commentaire n°10 posté par arbobo le 23/06/2007 à 14h27
    j’arrive un peu après la bataille je crois. Mais c’était juste pour dire que j’avais été voir cette expo et que ça m’a bien fait marrer le “Cross fire” et que la guitare trainée m’a bien plu (j’avais pas du tout fait le rapprochement avec les noirs trainés par les gentils américains du sud, toujours pleins de bonnes idées pour rigoler un bon cout ceux-là)
    et puis le téléphone, c’est bien et la dernière salle en haut avec les 4 écrans avec les extraits de films, c’est génial. Je l’ai regardé deux fois. (Enfin, Cross fire aussi je l’ai regardé deux fois).
    Voilà.
    C’était la critique culturelle d’Arnaud Bigeard à la Cité de la Musique.
    Bientot, je vous donnerai mon opinion sur Nietshe et Kante.
    Arnaud
    Commentaire n°11 posté par arnaud le 26/06/2007 à 10h41
    ben quand un vidéaste parle d’un vidéaste, il est un tout petit peu légitime :-)

    m’étonne pas que tu aies apprécié, tiens ^^
    Commentaire n°12 posté par arbobo le 26/06/2007 à 10h58

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