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Topic: cat power, concerts
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J’veux du cuir (Cat power en concert)

par arbobo | imprimer | 6nov 2006

L’inconvénient, c’est le froid.

Dehors, à côté de la cabane à crèpes, à faire le poireau devant le Rex. On est dimanche, je suis en avance et donc j’attends. Et contrairement à ce que je pensais, il y a suffisamment peu de gens devant moi, je serai donc bien placé.

Assez pour prendre mentalement des notes. En attendant les comptes-rendus de rififi et de Jérôme, que je mettrai très bientôt en ligne. De nouvelles dates ont été rajoutées en décembre, à Rennes, Tourcoing, Reims, Lyon, renseignez-vous.

Le Grand Rex, ça signifie être bien assis. Dans la salle qui semble plus décorée pour une opérette qu’un concert rock, les sièges un brin ridicules sont génialement confortables. Aller à un concert de rock et s’asseoir dans le cuir. Logique. Si logique….

Si logique qu’on pourrait y passer des heures assis à s’enfiler du pop corn. Aucune première partie n’est annoncée, et sur la scène l’accordeur de piano fait son office, tandis que l’excellente sono diffuse un album de Tom Waits. Enfin un concert avec une bonne acoustique.
Ce que va confirmer la première partie, Seb Martel, qui se présente lui-même, seul avec sa guitare et ses pédales d’effet. Parfois un peu limité vocalement, le Seb est un as de la 6 cordes, il est vraiment très bon. Mais la salle est quasiment molle. Je suis content d’avoir découvert ce gars dont je n’avais fait que croiser le nom sans savoir à quoi sa musique ressemble. Mais bon, voilà, le cul enfoncé dans les plis de mon fauteuil replet, je m’enfonce, et l’ambiance semble partie pour faire de même.

Alors un petit “ouf” intérieur accueille l’arrivée des musiciens du Memphis Rythm band. D’entrée, ils balancent un r’n'b sudiste sympa. “Sympa”, sans plus, énergique, joyeux, amical, pas trop mal joué, pas génialement non plus. J’essaie de ne pas sombrer dans la déception, d’attendre un peu, de suspendre mon jugement.
Au moins jusqu’à l’arrivée de Cat Power.

Chan Marshall arrive, avec ce pantalon gris informe et cette chemise kaki qui est devenue sa tenue de scène favorite. Elle parait jeune, si jeune pour son âge. Elle sautille, fait quelques coucou de la main, contourne le micro, et l’attrape à la demi-seconde près pour les premières paroles de the greatest. C’est là que j’ai réalisé à quel point je suis un gland de première, un bouseux comme pas deux. La voilà qui chante, avec cette voix inimitable, le succès de son dernier album. Et j’ai le coeur qui tremble, pendant quelques mesures, pas loin d’avoir les larmes aux yeux.

Ce que fait cette voix là, c’est quelque chose.
Je ne dis pas ce qu’elle “me” fait, parce que Jérôme avec qui j’étais venu m’a dit la même chose. Après le concert, ce fan de Cure ou de Godspeed you black emperor, me sort sans que je le force qu’il est impressionné : ”c’est une des plus belles voix que j’ai entendues, elle fait des trucs pas possible, comme Jeff Buckley”. En général comparer une voix à celle de Jeff Buckley n’est pas un mince compliment. Je lui en laisse la paternité, puisque comme vous l’avez compris, je me refuse à “comparer” Cat Power. Ben tiens, espèce de fan fétichiste que je suis :-p

Je continue ou je vous parle du concert?
Le concert, alors. Début poussif, comme je vous le disais, un peu la même première impression que quand j’ai découvert l’album The greatest, une déception longue à se dissiper. Trop de bruit, pas assez d’âme, et puis une basse un peu trop présente, une batterie sans finesse, quant aux choristes, elles ont des voix vraiment magnifiques, mais le seul fait d’avoir des choristes sur la voix de Chan enlève forcément quelque chose. Les titres du dernier album défilent, à toute vitesse j’ai l’impression. Je suis content d’être là, il y a un truc qui passe, mais j’attendais plus, honnètement. J’espérais plus, en tout cas. Au premier titre, des têtes pointent le nez au pied de la scène. Il faut dire que les places, assises, sont aussi confortables que basses par rapport à la scène, et le premier rang pointe à 3 bons mètres. Le groupe se fait plus nombreux et passé 20 minutes je finis par abandoner lâchement le pote aec qui je suis venu pour grossir la troupe des aficionados. Pour mieux en profiter. Pour mieux la voir, aussi. Depuis le début du concert j’ai une impression bienfaisante de familiarité, tout sauf le sentiment de vivre un moment d’exception, plutôt comme si être là allait de soi.

Quand Cat Power quitte la scène, nous laissant seuls avec ses musiciens (reviens, on est tout seuls !), une seconde j’ai craint qu’elle n’y remette plus les pieds. A nouveau, le Memphis rhythm band nous envoie les grosses caisses, un bon r’n'b des familles, on se demande s’ils ne se sont pas trompés de concert, on est en première partie d’un concert de Wilson Pickett et je ne sais pas comment me sortir de cette foutue faille spacio-temporelle, capitaine Kirk :-/

Pourtant, après ce déluge d’une soul massive qui n’a rien à faire là, le concert basculle.

Le groupe s’efface en coulisses. Chan revient. Et je ne m’essaierai pas à décrire la grâce de ce moment. Je ne voudrais pas l’abimer avec mes grosses patounes.

Dans la discographie de Cat Power, j’ai omis son dernier disque. Parce qu’il n’est disponible qu’en téléchargement sur i-tunes. Ce sont 4 titres, des sessions où Chan est seule à la guitare ou au piano. Back to basics. Dimanche c’est en solo qu’elle nous a donné un des titres de ces sessions, Le pénitencier. Mais aussi Wild is the wind. Sur the covers record elle nous en avait donné une version glacée, épurée par le blizzard. C’est la session qu’elle a joué pour nous, une version au piano, très joueuse, et, en fin de compte… parfaite :-)
Durant cette partie du concert, on a vu Cat Power entièrement. Le paradoxe de cette tournée est qu’avec un groupe si nombreux (2 guitares, 1 basse, 1 clavier, 3 cordes, 2 cuivres, 1 batterie, 2 choristes) elle est cantonnée au rôle de chanteuse. Sa voix est sublime, je l’écouterais durant des heures, mais cette femme là n’est jamais aussi bien, ni aussi touchante, que lorsqu’elle joue en chantant. Elle fait des merveilles, improvise des arrangements en cours de route, réinvente sans cesse les chansons.

Chan s’est installée au piano, a joué un peu avec nous, fait le pitre, puis un quart de tour vers nous et c’est sa guitare qu’elle empoigne, nous racontant au passage que si ce n’est pas son habituelle guitare noire qu’elle a entre les mains c’est parce que celle-ci a été faite spécialement pour elle (elle nous a sans doute dit par qui, j’ai oublié). C’est qu’elle est bavarde, Chan Marshall. Très bavarde. Elle nous cause en anglais en imitant un accent français à se tordre de rire, avant de nous raconter ses premiers pas dans notre langue.

J’ai lu dans des compte-rendus du début de cette tournée, qu’on y trouvait Cat Power plus joueuse sur scène, déconneuse, qu’elle était “enfin heureuse”. J’aimerais pouvoir me contenter de cette lecture superficielle et de ces slogans de magazines. Car j’ai vu tout autre chose. Contente d’être sur scène, oui, Chan Marshall prend plaisir à être là, elle sourit, nous remercie, parfois son visage trahit un instant de bien être partagé avec nous ou avec ses musiciens. Mais aussi… Comme une enfant qui fait sa première scène et ne sait pas comment oublier ce qu’elle est venue faire là, Chan mime la moitié des paroles, sautille, fait des pas de danse dont la plupart semblent un brin forcés. Pourtant elle recherche le public. A peine sur scène, elle faisait signe à ses roadies d’avancer son micro et ses retours pour investir l’espace qu’occupait plus tôt le matos de la première partie. C’est de 3 mètres qu’elle a avancé, puis encore d’1 ou 2, jusqu’à laisser sa cigarette allumée à un type acoudé à la scène, sous les commentaires envieux de mes voisins.
Car même fumer est un artifice, Chan allume des cigarettes qu’elle n’a pas le temps de fumer, pour s’occuper les mains, pour s’occuper tout court, pour essayer de dominer la trouille qu’elle combat chaque seconde, chaque seconde de la première à la dernière. Parfois elle esquisse un geste de boxe, et c’est bien de ça qu’il s’agit. Combat contre ses peurs, combat contre elle-même. Des dizaines de fois elle nous regarde ou pointe les yeux vers ses pieds en tendant le pouce vers le bas, ou un s’excusant de la main. Entre deux remerciements et deux mots gentils pour nous, Chan nous avoue sa nervosité, pas pour s’excuser mais pour expliquer sa performance qu’elle trouve nulle. Voilà le fond de l’affaire : “my job is to try to forget that I’m here and that you’re here too. That’s why I’m a bit nervous. I used to think that getting wasted was the solution…”

Rassurons Libération, Cat Power a fait le concert en entier. Non sans souffrance. Toujours en solo, elle nous a offert un de ses plus beaux titres, le bouleversant I don’t blame you. J’ai déjà eu l’eoccasion de vous dire l’amertume de ce titre dans lequel elle se lance brutalement “once you wanted to be the greatest”. Mais insensiblement elle change ses paroles et dès le deuxième refrain elle sussure “I Don’t like you”. Voilà ce qu’elle appelle “self hatred”. Non seulement cette insatisfaite dénigre du geste tous les joyaux qu’elle nous offre, mais elle se déteste ouvertement sous nos yeux. Malgré nos encouragements, malgré notre chaleur, le froid vient du dedans, et ça nous n’y pouvons rien. J’aurais aimé croire ceux qui disent avoir vu sur scène une Chan Marshall heureuse. Celle que j’ai vue est une inconsolable battante, une femme courageuse et triste, que le plaisir d’un concert ne réchauffe jamais complètement.

Car du plaisir elle en a pris. Incapable de quitter la scène, Chan s’est lancée après le dernier morceau dans un de ses récits dont elle a le secret et qui durent des heures. Dix bonnes minutes pour une anecdote toute jolie sur ses 12 ans où elle a découvert dans Vogue que Paris était capitale de la mode. Pour nous faire plaisir, un petit bout de son enfance qui évoque Paris.
Le concert était divisé en 3 parties. Un concert de plus d’une heure et demie. Après la promo de l’album, après la magie de Cat Power en solo, le groupe revient, et ce groupe si poussif une heure plus tôt prend son envol. Il sert à présent les compos plus anciennes de Cat Power, et des reprises qui lui sont chères. Le Satisfaction était parfait, un brin lourd, un poil bordélique, mais génial, puissant, plus connivent que hargneux. J’avoue ne plus trop savoir quel titre de Dylan elle a repris, absorbé par ce qui fut l’un des meilleurs morceaux du concert, suivi notamment par un Hit the road Jack totalement inattendu. Ce que cette fille fait subir aux chansons des autres est carrément emballant. Toute la troisième partie du concert est rock au possible, accrocheuse, nerveuse, son Cross bones style nous soulève et s’attire des cris d’encouragement des balcons.

Après l’insondable douceur des titres qu’elle a joué en solo, le final énergique était aussi inattendu qu’heureux. Mais pas aussi inattendu que de voir Cat Power s’éterniser sur la scène. Après sa fameuse anecdote interminable, la voilà qui commence a capella un chant populaire américain, faisant participer un à un chacun de ses musiciens, s’effaçant derrière eux jusqu’à ce qu’on lui rende le micro, pour faire une petite file indienne improvisée, on se serait cru à un jubilee, à un anniversaire hollywoodien. Et c’était bon. C’était si bon de sentir qu’elle ne voulait pas nous quitter. Alors quand on lui apporte le bouquet de l’artiste, elle le coince entre ses jambes pour pouvoir chanter plus à l’aise. Puis à nouveau lancée dans un discours fleuve que nous n’écoutons que distraitement, tout entier aspirés par elle, par son regard, elle nous lance une à une chacune des roses du bouquet. Je n’en ai pas eu, mais honnètement c’était vraiment tentant de sentir qu’elle nous donne, encore, quelque chose.

Je suis sorti content, pas sur un nuage, heureux de ce concert mais pas amoureux ou baba. Pourtant je vois ici ou là que les concerts de cette tournée ont renversé bien des coeurs.
Et ce matin j’écoute les 4 titres de ses sessions, en rédigeant cette note. Et là je prends conscience d’une petite chose toute bête.

Elle me manque.

déjà



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