Related

  • No related posts found.
The Author
Topic: cat power
Tags: , ,

Après la guerre

par arbobo | imprimer | 5nov 2006

Suite de la discographie de Cat Power commencée ici.


Je nous avais laissé sur un disque-murmure, son 4e album Moon Pix. Grand album qui, à mes yeux, élève Cat Power dans la hiérarchie des songwriters.

Lorsqu’il parait, Chan Marshall a enfin trouvé un label où rester pour plus d’un seul disque, et par traits successifs elle a dessiné son propre paysage musical et marqué un grand coup avec ce dernier disque. Elle n’a plus grand chose à prouver au public ni à ses pairs. A chaque album Cat Power grave au moins une reprise. Elle est prête à nous en servir un album entier : the covers record.
J’ai parlé récemment de ce disque, qui a des équivalents. J’en profitais pour dire que des disques de reprises permettaient de mieux connaître les goûts musicaux d’un artiste. Mais quand je dis qu’on ouvre les portes des goûts d’un artiste, elles ne sont qu’entrebaillées. Car Chan Marshall dit aussi en interview adorer le hip-hop. Elle est capable de tant de choses que je n’aurais pas été surpris de l’entendre faire une reprise à sa manière. Ca doit être coton.

Ce disque a aussi une particularité. Je vous avais raconté avec quel naturel Cat Power avait fait un duo avec Buddy Guy. Un naturel qui s’explique aussi par le fait qu’elle se décrive comme une blueswoman, plutôt qu’une chanteuse folk ou rock. Ici, elle case sur son disque une reprise de…. elle-même (In this hole, tirée de What would the community think?). On aurait du mal à y voir malice ou une comparaison avec les “grands (elle reprend aussi Lou Reed), car elle a aussi choisi des traditionnels anonymes, et des artistes inconnus ici. Puisque c’est de famille musicale qu’il s’agit, il est normal qu’elle soit sur la photo. Vous me direz que je suis d’une coupable indulgence avec Ms Marshall. Vous avez raison ;-)
Mais elle en a eu si peu envers elle-même qu’elle la mérite largement.


Sans jamais les mettre en avant, Cat Power multiplie les collaborations. Outre les reprises, cela se traduit par exemple par la discrète participation à ses disques de gens comme Dave Grohl (Nirvana, Foo fighters). En famille. Pour le plaisir, pas pour la galerie.
Lorsqu’une pointure met les doigts dans un de ses disques, il sait qu’il restera à l’arrière plan et qu’aucun sticker ne viendra rappeler sur la pochette “enregistré avec Michael Jackson.inc”. En revanche, son désintéressement l’amène parfois à prêter sa notoriété naissante. Ses engagements rejoignent sa musique et ses paroles. Campagnes contre la fourrure (PETA), contre le cancer, pour la paix au Moyen-Orient. Toujours perméable à la souffrance, à l’injustice, soucieuse de liberté.


You are Free. C’est plus que le titre de l’album qu’elle sort en 2003. C’est aussi un cri lancé à elle-même et un conseil amical. You are free est un album riche, plein, de 14 titres dont aucun n’est en-dessous des autres. Et c’est tout simplement son plus beau disque. Un grand disque tout court.
On y retrouve Cat Power au piano, tout en simplicité. C’est ensuite qu’elle hausse le ton, avec un Free pêchu, où la batterie et des riffs âpres ne vous lâchent pas d’une semelle. Une fois encore une unité de ton et la patte de Chan Marshall lui permet d’allier rocks rythmés et ballades mélancoliques soutenues par des cordes. Mais ni ces cordes ni la voix de Dave Grohl, invité très discret, ne font sortir ce disque de sa voie.

On sent, on retrouve, le regard protecteur et affectueux de Cat Power. Coeur plus que jamais ouvert aux quatre vents, ses paroles ensanglantées suent la perte et la compassion. Même son tendre Half of you est à nous tirer des larmes, tant même l’amour partagé semble échapper au partage véritable. La complaisance sera le dernier mot à entrer dans son vocabulaire, et Fool nous en livre l’amer témoignage. Cat Power a parlé récemment de “self hatred” à son endroit, et ce n’est pas un tel morceau, un de ses plus beaux pourtant, qui va nous détromper. Il enchaîne droit sur le single de l’album, le bien nommé He war. Le “he war, he will kill for you“, n’a rien de rassurant, et qu’on en ait tiré un clip ne le rend pas moins ardu et violent.
Je ne vais pas vous faire tous les titres de cet album, les 14 sont des bijoux et je peux me le passer en boucle des jours d’affilée. Mais malgré tout il reste des moments où je tombe en arrêt. Chaque fois. Quand les premières notes de Names s’égrènent, ma poitrine rétrécit, la blessure froide de Chan me pétrifie. Toutes ces jeunesses saccagées, ces vies broyées par la violence des adultes, comment a-t-elle pu sortir ces paroles d’elle-même sans prendre peur et les chanter sans s’effondrer? Ce morceau contient toute la compassion dont Cat Power est capable, au-delà de l’imaginable. Dans une interview récente elle pense que son dernier disque est dédié “à l’humanité”. Cette phrase lâchée avec timidité et une sincérité désarmante sonne tout sauf grandiloquente. Au risque de vous décevoir, Chan Marshall, vous vous trompez lourdement, car c’est toute votre musique -qui sait, votre vie?- que vous dédiez à l’humanité, avec une puissance des sentiments qui manque chaque fois vous écraser. Une puissance qui explique peut-être la profonde affection de votre public. Pitié pour vous, Chan, ne portez pas seule la détresse du monde sur vos épaules.

On n’est donc pas étonné lorsque sort Speaking for trees, en 2004. Enregistré bien plus tôt, à la campagne, ce film contient autant de reprises que de titres de Cat Power.

Ce film aride, déroutant, rappelle avec exigence que Cat Power ne fait rien en fonction du succès supposé de ses prestations. Seule à la guitare, en plan fixe, la voilà qui joue et chante au milieu des arbres, paisible, loin de toute agression. Elle y semble détendue, habitée par sa musique, en paix. Ce petit dvd bizarre en dit assez long sur cette femme ébranlée par la détresse du monde. La suite n’en sera que plus surprenante.

The Greatest sort en janvier 2006. Certainement pas un best of, et à mes yeux pas son meilleur album non plus, mais après avoir placé si haut la barre avec You are free, il serait malvenu de faire la fine bouche. Cat Power ouvre le disque seule au piano, comme sur son précédent album. Mais bien vite on sort de son univers habituel. Après 6 albums et d’autres projets, Chan Marshall continue à élargir sa musique. Après les reprises, elle rend hommage à nouveau aux années 60-70 qui peuplent sa discothèque et sa propre musique. The Greatest est un clin d’oeil à Mohamed Ali, boxeur qui a marqué l’histoire bien au-delà de son sport et qui fut un véritable héros pour les Noirs américains. En transparence, on lit à nouveau le sens politique de Chan Marshall, et un rapport à la violence plus ambigu. Mieux tenue à distance, moins fragilisante, la violence est ici restreinte à l’aire du ring.

Cet album, enregistré en moins d’une semaine, est à nouveau d’une unité à toute épreuve, à la fois identifiable comme tous ses disques, très nouveau pour elle, et relié par un ton nous retient de bout en bout. Les critiques insistent souvent sur le titre d’ouverture, the greatest, mais c’est plutôt Love & communication, simplissime et tellement bon, que je réécoute constamment. Vous avez les clips ici , et tous les titres sont en écoute sur le mini-site de l’album, reparu récemment avec de nouvelles pochettes (ben oui elle est belle à croquer, ça fait 3 articles que je me retiens de le dire, mais vous l’aviez compris ;-)

Pour cet album apaisé, reposé presque, la grande soeur que j’ai décrite est allé chercher… des grands frères. Toujours ouverte aux autres musiciens, elle a puisé cette fois-ci dans ses racines sudistes. Elle a mis cap sur Memphis, Tennessee. Aux studios du label poussiéreux Hi! records, elle a débauché les musiciens qui l’accompagnent tout 2006 dans sa tournée. Sous le nom de Memphis rythm band, ce sont des cadors de la vieille école qui l’épaulent. Ce son très soul et plus sudiste que jamais, ils le polissent depuis des décennies. Steve Potts, les frères Hodges, ont fait leurs gammes en jouant sur des disques magnifiques d’Ann Peebles ou d’Al Green, il y a plus de 30 ans.

Aussi, bien que Chan ouvre son album au piano comme le précédent, les arrangements vont rapidement nous emmener  dans une direction nouvelle pour elle. J’avoue que certains cuivres me font tiquer et que l’ensemble sonne parfois un brin trop “radio” à mon goût. C’est que Chan nous a tant donné, et que ses disques précédents brillent si haut, qu’on lui pardonne mal de ne faire qu’un bon disque.

La Cat Power qu’on entend ici est plus à l’aise que jamais, on dirait qu’elle a trouvé la distance pour dire la vie sans être happée par elle. Pour décrire les cyclones sans s’y faire aspirer. La première phrase en dit d’ailleurs beaucoup : “once I wanted to be the greatest”. N’est-ce pas… Dans une interview la jeune femme disait en riant avoir rêvé devenir présidente des Etats-Unis. Ses engagements donnent du sens à ce rêve, mais on ne la remerciera jamais assez d’avoir préféré la musique. Elle nous donne bien plus grâce à elle.

Ce soir je suis au concert. Un concert de Cat Power. Tiens tiens… Bien malin qui saurait me donner envie de laisser ma place ;-)



Comments

Name

Email

Site web

Commenter

XHTML: Balises possibles: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>


Subscribe

Tags

Archives

Par Date

Par categorie