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White Williams, l’interview en VF

par arbobo | imprimer | 18juin 2008

La présentation de l’album Smoke de White Williams et les sons originaux de l’interview sont là, où vous pouvez également commenter :-)

et les photos de Chrystèle toujours aussi belles sont là.


Joe Williams : C’est très joli de jouer sur ce canal. Nous avons été surpris, on a vu un programme du festival, il y a des documentaires sur Don Chery, Faust, Tony Conrad… On s’est demandé “mais qu’est-ce qui se passe?” Et on fait notre concert dans ce festival. C’est une surprise pour moi.

arbobo : J’ai l’impression que tu es un type qui écoute beaucoup de musique, et de styles très différents.

J’en écoute beaucoup oui, des musiques qui viennent d’endroits différents, d’époques différentes… de cultures différentes aussi. Parfois, de cultures qui ne me sont absolument pas familières. De la musique cambodgienne, ou de Thaïlande… du rap, r’n'b, de la dance d’époques qui ne reviendront pas. Particulièrement des musiques d’avant que les gens de mon âge soient nés. C’est différent de les écouter aujourd’hui qu’alors. J’aime beaucoup, mais d’une certaine manière ce n’est pas comme l’écouter à l’époque où cela a été créé.

Et ce sera la même chose pour la musique d’aujourd’hui, elle sonnera différemment dans, disons, 20 ans.

Exactement. C’est intéressant, on se penche sur les débuts de quelque chose, et 10 ans plus tard, on sent l’influence que cela a eu sur d’autres artistes. On trouve des connexions entre des artistes qui n’ont aucun rapport et qui jouaient bien avant que tu t’intéresse toi-même à la musique.

Tu viens de mentionner l’exemple de la musique cambodgienne, comment choisis-tu d’écouter telle musique, tel artiste?

C’est difficile à dire. Je ne suis pas un connaisseur* d’aucune musique, je tombe sur des musiques, parfois c’est sur une compilation, ou parfois cela vient d’un label spécialisé dans la réédition de musiques indigènes, ou dans la pop de pays dont il est impossible de trouver des disques. Je ne cherche jamais à acheter un artiste ou quelque chose en particulier.

On dirait que tu es dans une démarche de découverte.

C’est tout à fait ça. Quand tu écoutes une musique, tu établis des connexions avec ce que tu connais. Je suis fasciné par les différences dans la manière de chanter, la manière de jouer d’un instrument, comment on jouait d’un même instrument avant par rapport à aujourd’hui, les changements technologiques… c’est fascinant.

Je n’aurais pas deviné cet intérêt pour les instruments, dans la mesure où tu as fais ton album seul sur ton ordinateur.

Oui, mais je continue à jouer des instruments. Mais il y a beaucoup de technologie dans mon disque. Des samples, des couper-coller, des éléments copiés et réarrangés. Des changements de vitesse, beaucoup, des effets sonores, tous les trucs de base. Je me sens chez moi là-dedans. Je suis clairement plus à l’aise au montage, ou en studio, plutôt qu’en guitariste ou en clavier. Je ne me sens pas de me spécialiser dans un instrument, je suis trop vieux pour m’y mettre. J’ai appris à utiliser les logiciels de création musicale avant d’apprendre la guitare. J’ai juste pris la guitare pour ajouter ce que je voulais sur mon ordinateur et tout retravailler ensuite, changer le pitch… j’utilise d’abord le logiciel. Je n’ai jamais joué d’instrument quand j’étais gosse.

Mais tu as joué dans un groupe. Comme batteur.

Je me contentais de frapper comme une mule. Il n’y avait rien dans ma manière de jouer qui vienne d’un entrainement, d’un style particulier, ça consistait juste à taper vite et fort, c’était plus faire le fou que jouer d’un instrument.

Tu utillises des matériaux existants, tu ne seras donc pas surpris qu’on entende dans tes chansons l’écho d’autes artistes. Comme dans Road to palm, qui évoque un peu le thème de Batman de Neil Hefti.

Oh, le Batman theme. C’était de la musique surf, non? Cette chanson est vraiment informée par la musique surf. Dans la surf, j’aime la guitare utilisée plus en arpèges qu’avec des accords. On entend toutes les notes, c’est joué en picking, c’est une chose que j’aime là-dedans. J’aime vraiment les Ventures et des trucs de ce genre, c’est très joli. Et puis de mon point de vue, comme ça remonte à si longtemps, ce genre de musique simple et plaisante sera probablement difficile à répliquer, à reproduire.

Dans la surf, et encore plus dans le garage, le son était souvent un peu sale. Toujours dans Road to palm il y a une touche de claviers à la Giorgio Moroder, un peu saturés.

C’est quelque chose qui m’attire de plus en plus, la distorsion. Quand j’ai commencé à produire de la musique je voulais un signal clair, je cherchais à mixer comme on mixe de la musique pop. Mais maintenant ça ne m’intéresse plus, j’ai plus envie de créer des sons agressifs, des sons un peu flippants. Des sons qui sont une composition en eux-mêmes, ce que donnent aussi les effets, il n’y a pas que la patte du musicien qui joue la guitare ou un autre instrument. La distorsion est un de ces effets qui apportent leur propre qualité compositionnelle (sic).

Je pense aussi à In the club. Elle s’ouvre sur un son de percussion comparable à celui de Atomic de Blondie, puis on dirait du Blondie sous tranxène.

Comme au ralenti. Cela tient beaucoup à mes talents de guitariste. Quand je les travaille chez moi les chansons me paraissent rapides, parce que je n’arrive pas à suivre le rythme en jouant, et cela donne des chansons plus lentes que je n’en avais l’intention. Dans ma tête elles sont plus rapides. Maintenant je compense, j’augmente systématiquement la vitesse même si ça me parait trop, pour être certain de ne pas jouer trop lentement. Mais c’est peut-être aussi bien pour les chansons d’être trop lentes. Comme ça elles sonnent un peu bourrées ou déglinguées. J’aime bien qu’elles puissent sonner comme si on était sous médocs.

En prenant des notes sur tes chansons, par moments j’écrivais “funk sous acide”.

Ah bon? Je ne suis pas super familier de la musique funk. En dehors de groupes qui se sont approprié le funk, ce style de guitare et percussions, comme Can, Talking heads, un genre de musique que j’écoute beaucoup et qui est nettement informé par le funk.

Je pensais aussi aux groupes de la “no wave”, comme Suicide

DNA

DNA, ou Liquid liquid

Liquid liquid c’est génial. Depuis peu je m’intéresse vraiment à ce qu’ils font, j’ai découvert des chansons que je n’avais jamais entendu plus tôt, je n’avais entendu que les singles, en club. Et je n’étais entré dedans plus que ça, parce qu’à l’époque il y avait tellement de musiques qui avaient ce côté dance et cette cowbell (cloche, n.d.l.i) groovy. Ca me paraissait trop familier, mais maintenant que je connais leurs autres morceaux je trouve qu’ils sont fantastiques. La production et le jeu de percussions sont incroyables. Le rythme, c’est vraiment une musique qui repose sur le rythme. Là aussi ce n’est pas du funk, mais c’est une musique qui a puisé dans le funk.

Et c’est aussi une musique à la fois très accrocheuse et très exigeante, pas si facile à écouter. Chez toi il y a aussi ces deux aspects, des mélodies accrocheuses et tu ajoutes des sons, des lignes de guitare qui viennent perturber la mélodie.

Oui, j’aime quand il y a de la laideur dans la musique, je ne sais pas exactement d’où ça vient. Mais je suis d’accord avec ce que tu viens de dire. Quand la mélodie tient naturellement, et que tout le reste la suit, de manière traditionnelle, c’est moins intéressant. Je préfère quand il y a des interruptions.

Je me demandais s’il existe un lien entre ta formation d’arts graphiques et ta musique, cette manière d’emprunter à des registres et des traditions différentes et les mélanger.

Le problème c’est que je n’ai jamais eu le désir d’apprendre l’histoire du design comme je l’ai de connaître l’histoire de la musique, quelle qu’en soit la raison. J’ai plus été formé au graphisme direct, la couleur, les formes, l’espace… il y a des parallèles. Mais quand j’étais à l’école l’approche du graphisme était très scientifique, il s’agissait moins de mélanger et bousculler les traditions que de suivre la tradition. Il fallait plus faire de la musique, pardon, du graphisme, du design pour les usagers, de manière bien plus rationnelle que ce que j’essaie de faire dans ma musique. Je ne cherche pas tellement à analyser mon disque, juste à me faire plaisir. C’est très différent. Mais il y a des parallèles, la répétition, les formes, l’espace, les couleurs… la manière dont deux formes interagissent. La musique aussi peut avoir une couleur, elle peut être sombre, elle peut être rapide, lente. Mais on peut probablement trouver des similitudes organisationnelles avec d’autres disciplines, l’architecture, la cuisine, ce qu’on veut.

Il y a un élément musical dont je me demande comment le ratacher au graphisme : le rythme.

Le rythme, la répétition, les motifs, c’est similaire. Quand tu vois un motif, il y a un rythme, combien de fois tu le vois, c’est une fréquence. C’est comparable.

As-tu dessiné toi-même la couverture…

Pour la pochette, j’ai contribué à l’idée, mais j’ai travaillé avec un ami, un artiste qui s’appelle Andrew Strasser. C’est lui qui s’en est occupé, qui a supervisé la partie visuelle.

Je pensais au dessin du single New violence.

Ah oui, j’aime beaucoup ce dessin, il a été fait par un ami artiste appelé Steven Olson. Quand je fais de la musique, je reçois beaucoup d’encouragements de mes amis, que cela intéresse pour leur propre travail. Du coup je n’ai pas envie de dessiner quoi que ce soit moi-même pour l’instant, mais c’est une possibilité. Avant je voulais faire des vidéos pour mes musiques. J’essaierai peut-être pour le prochain disque.

Tu vas réaliser des vidéos?

Pas réaliser au sens “diriger”, je n’en aurais probablement pas besoin, je les créerai sur ordinateur.

De la même manière que tu travailles tes chansons tout seul. Mais sur scène tu as un groupe.

Je me produis avec un groupe. Toute prestation sur scène demande un minimum de réflexion, même si je me produisais tout seul. C’est difficile de trouver la bonne manière de transmettre quelque chose en concert. C’est bien d’avoir d’autres personnes avec qui en discuter. Les chansons sont beaucoup plus rapides, bien plus que sur le disque. Je les laisse faire, ceux avec qui je joue, je les laisse faire comme ils l’entendent. Il n’y a pas une seule bonne manière de jouer les morceaux. Autant que possible nous nous éloignons de l’album, j’essaie qu’on s’en éloigne encore plus. Je vais travailler à ça pour le prochain disque. Que chaque représentation soit totalement unique, sans aucun rapport avec le disque, ça me plait.

Comme beaucoup de tes chansons sont très dansantes, tu t’attends à ce que le public danse à tes concerts?

Ce n’est pas mon intention. Je n’imagine pas ma musique en compétition avec toute l’excellente house music et dance music qui est faite en France, ou même plus largement en Europe. Certains artistes font délibérément de la dance music, et d’autres… si les gens dansent je suis vraiment heureux, c’est intéressant d’ailleurs, ma musique est jouée dans des clubs alors que je ne l’avais pas du tout recherché. Mais ça me plait beaucoup.

Dans beaucoup de chansons tu ajoutes des effets sur ta voix. Parce que tu ne l’aimes pas au naturel? Pour sonner plus années 80?

Si j’ai des outils à ma disposition pour modifier la voix, triturer la manière dont elle sonne, il faut que je les utilise. En particulier quelque chose comme la réverb’, elle permet de jouer avec l’espace. C’est marrant à utiliser. C’est ce qui m’intéresse, une fois que c’est dans l’ordinateur, il faut que j’utilise toutes les ressources du logiciel, pour voir comment faire sonner la voix différemment de la prise de son originale.

Tu as parlé dans une interview de ton travail avec un artiste appelé Craig Dempsey.

C’est un artiste solo qui vient du groupe Star as eyes. C’est le tout début, si on veut se rendre compte de ce que ça donne, je conseillerais d’aller écouter Stars as eyes pour se faire une idée. C’est un ami proche. Et Steve, qui a fait la pochette du 45 tours, est aussi dans Stars as eyes. Ce sont des amis, et nos manières de travailler se ressemblent. Nous avons commencé à travailler des morcaux ensemble mais je n’ai pas eu le temps d’aller plus loin.

De quelle manière travailles-tu avec eux? Plutôt en tant que musicien, que producteur, ingénieur du son?

Le plus proche serait de dire producteur. J’aime jouer de la musique avec d’autres personnes, mais si tu prends mon disque il est plus “produit” que “interprété”. Mais j’aime jouer, faire des concerts, jouer dans des clubs, je n’ai aucune envie d’arrêter. Même s’il ne doit pas y avoir d’autre disque de White Williams, je serais heureux de simplement jouer avec d’autres musiciens. C’est quelque chose que j’envisage sérieusement, à dire vrai. Quand on m’a proposé de sortir mon disque, j’étais tout excité parce que je me suis dit c’est cool, maintenant tu peux aller voir d’autres gens et faire de la musique avec eux. C’était ce que je voulais faire. Mais maintenant que le disque a été retenu par un plus gros label, ça nous donne plus de responsabilité pour tourner et des trucs de ce genre, du coup ça devient difficile d’avoir des projets parallèles, mais je ne lâche pas l’idée.

Par exemple avant l’interview nous parlions de Pascal Comelade.

Ce serait géant de travailler avec quelqu’un comme lui. Le truc c’est aussi de faire ce que tu veux sans te poser de question, la manière dont c’est perçu. Beaucoup de gens sont obnubilés par l’idée de faire deux fois la même chose. Il ne faut pas s’en préoccuper. Ce qui est intéressant c’est de regarder l’histoire d’un artiste, quand chaque disque sonne totalement différemment du précédent.

Comme Bowie?

Hum hum. Je n’ai pas un artiste idéal avec lequel je rêverais de travailler. Si je prends des artistes plus populaires, il y a des qualités spécifiques qui m’exciteraient. Quelqu’un qui travaille en collage, ce serait intéressant. Ou des enregistrements de sons naturels, ou des samples, travailler avec un producteur de dance serait intéressant, un producteur de rap… ou un ingénieur du son qui bosse dans le r’n'b.

Avant de nous quitter, je me sens obligé de te demander pourquoi tu ne ferais pas toi-même un logo pour White Williams.

Je n’ai pas eu le temps de me remettre au design. Il faudrait que je m’y remette, que je me raffraichisse la mémoire. Que je lise, que je me forme à nouveau, sur à peu près tout. Et que je retrouve l’inspiration, parce que pour l’instant je suis trop impliqué dans mes projets à moi.

Merci Joe !


* en français dans le texte.



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