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Sly Stone et le mythe de Stagger Lee

par arbobo | imprimer | 30juil 2006

Dans toute culture il existe des personnages, réels ou fictifs, qui ont donné lieu à une légende et dont on a tiré d’infinies variations. Romeo et Juliette, Faust, Le petit chaperon rouge, Barbe bleue, Bonnie & Clyde…

Certains de ces personnages appartiennent plus spécifiquement à une catégorie ou une communauté. J’ai parlé du personnage du rude boy jamaïcain né à la fin des années 60. On peut aussi penser au pimp, le personnage de maquereau noir américain, valorisé par un livre du même titre de Iceberg Slim(éditions de l’Olivier).Le pimp est le personnage central de nombreux films noirs américains des années 70 connus pour leur musique funk, la blaxploitation (de Superfly à the Mack puis logiquement dans Jackie Brown).

Un autre de ces personnages est plus ancien : Stagger Lee. Son histoire, comme celle de Billy the Kid ou de Buffalo Bill, est une série d’inventions à partir d’un personnage réel. La plupart des personnes qui ont une compilation de James Brown connaissent un titre qui porte ce nom. Mais James Brown n’a pas créé cette tradition, il s’y insère aux côtés de bien d’autres.

Greil Marcus est un critique et auteur de livres sur le rock et la soul music. On trouve ses livres et ceux de Nick Cohn ou Nick Tosches, qui remplissent le même office, aux éditions Allia  et parfois en folio Gallimard. On lui doit notamment chez Allia Sly Stone, le mythe de Stagger Lee.

Stagger Lee c’est d’abord une histoire, une scène fondatrice, celui du type humilié qui prend un flingue pour se faire justice et passer ses nerfs. Ce qui complique la chose, selon la genèse retracée dans le livre, est que DEUX Stagger Lee ont existé sensiblement à la même époque, un blanc et un noir. Pour environ le même résultat : c’étaient deux types qu’on ne présenterait pas à ses parents. Lee, ou Stagolee, a tué Billy the Lion, ou Billy Lions, comme pour toute légende une part de flou contribue à l’épaisseur de l’histoire.

La première chose qui m’est venue à l’esprit sont les paroles de Hey Joe de Jimi Hendrix :
Hey Joe, where you going with this gun in you hand? Mais Joe ne va tirer ni sur un shériff ni sur un autre homme, “I’m gonna shoot my lady“, dit-il au narrateur. Une variante d’un Stagger Lee à ne pas contrarier?

La musique populaire a fini par intéresser les historiens et les sociologues, des recherches très sérieuses se sont penchées sur la place du rock dans l’évolution des moeurs des années 1950 et 60, mais également sur celle de la soul-funk dans les mouvements noirs américains de la période 65-75 (période dorée de cette musique).

Avec ce texte, Sly Stone : le mythe de Stagger Lee, Greil Marcus essaie de jouer ensemble deux partitions. D’abord il s’efforce de saisir, en 1975, la décennie d’émancipation écoulée. Ensuite, de suivre à travers la culture populaire noire américaine les occurrences du perosnnages mythique de Stagger Lee. Selon les versions, Stagger Lee est tantôt un blanc tuant un noir tantôt l’inverse.D’après ce livre, il semblerait que ce personnage légendaire aient surtout pris une place de choix dans la culture noire.


On a parfois du mal à suivre ce récit, écrit à chaud par un Marcus encore jeune et qui part tour à tour dans différentes directions, sans que le fil conducteur soit toujours très lisible. Si l’on en croit le titre, c’est Sly Stewart, fondateur du groupe Sly and the Stone Family, qui lui tient lieu de fil rouge. Un fil qu’il tresse avec moult détail avant de l’abandonner longuement pour parler des films blaxploitation ou des Black Panthers. Le livre s’ouvre sur une citation fondateur des Black Panthers, et s’achève sur la biographie pitoyable des co-leaders du mouvement, qui en fait d’émancipation de leur peuple ont surtout versé dans la violence et la magouille, loin de tout idéal.

Tout à sa recherche analogique, Greil Marcus voit des Stagger Lee partout. Il connait visiblement à merveille la soul-funk et en particulier Sly, mais il va parfois un peu vite un peu loin. Mais je rste convaincu par sa manière d’insister sur la participation des artistes noirs aux mouvements de l’époque, et de faire de certains disques les révélateurs des espoirs et des désillusions de l’époque, de ses élans et ses reculs sanguinolents.

Restons-en à la manifestation de Stagger Lee dans l’époque. Marcus lit à cette aune tous les personnages centraux exerçant une violence contre les Blancs. Or la très longue annexe qui suit son texte montre que si Stagger Lee tue un blanc, son geste n’a rien de politique, c’est un acte gratuit qui vient sanctionner une broutille, une infime offense (dans une version de l’histoire il tue parce qu’on lui a volé un Stetson à 5 dollars). Or cette histoire de violence est rarement sexuelle, malgré la multitude de variantes. Un personnage important de l’imaginaire afro-américain jusqu’à aujourd’hui est le pimp le maquereau, célébré à l’époque par un livre autobiographique d’Iceberg Slim traduit depuis aux éditions de l’olivier. La dimension sexuelle est importante pour beaucoup des personnages centraux afro-américains de la musique ou des films. Limiter l’analyse à des avatars de Stagger Lee laisse de côté la dimension politique d’un James Brown (Say it loud, I’m black and I’m proud ) autant que sa puissance sexuelle. Réduire toutes les chansons sur le ghetto, et les émeutes de l’époque, à une violence individuelle et gratuite dépourvue d’arrière-fond sociologique, est impossible.

Marcus le voit lui-même, puisqu’il termine son texte par une longue description de l’échec des Panthers. Ce qui me confirme qu’il fait le grand écart entre une intuition intéressante et souvent juste (Stagger Lee comme pilier de la culture noire) et des extrapolations erronées de cette intuition.

Au passage, on aura tout de même appris pas mal de choses et fait travailler nos méninges sur la manière d’aborder cette culture. Et on aura rencontré des chansons et des artistes importants comme Curtis Mayfield (à propos de la bande originale de Superfly), les O’Jays (de backtabbers), War (the world today is a ghetto)… Malgré la quantité de morceaux que j’adore qui sont cités et utilisés par Marcus, je dois dire qu’ils sont insuffisants à faire le tour de l’implication politique et sociale des musiciens soul et funk. Aucune mention de The revolution will not be televised, de 24 carat black, pour ainsi dire rien sur le What’s going on de Marvin Gaye, etc.

Drôle d’idée en vérité de mélanger l’approche politico-sociale et la figure du bad boy qu’est Stagger Lee. On pourra mettre cette vaine tentative sur le compte de l’époque, 1975, à laquelle il était difficile de ne pas introduire une lecture politique de la culture. Ce livre très vivant et bourré d’informations et de réflexions intéressantes, reste très plaisant à lire. Mais il est déconseillé à celles et ceux qui ne connaissent que très superficiellement la culture soul-funk et pour qui elle se résume aux tubes des Jackson Five et de James Brown.

Pour les autres, surtout s’ils ont moins que moi la manie d’avoir la dent dure, c’est un livre stimulant et intéressant.




Comments

2 Commentaires


  1. 1 Arno on mars 24, 2010 17:11

    lui, il sait qui est Stagger Lee car lui, c’est Dieu…

    http://www.youtube.com/watch?v=9HXk_2pFNXY&feature=related

  2. 2 arbobo on mars 24, 2010 20:19

    tu m’étonnes :-)

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