Motors, Dreyfus sort le 3 cylindres
Le coffret Motors, malgré le nombre de titres qu’il contient, n’a rien du Studio 54. C’est une compile bien française, qui vient célébrer un grand producteur à travers un de ses labels défunt, Motors.
Francis Dreyfus aujourd’hui, porte sur lui un costard-cravate très jazz (c’est une métaphore), dans le label qui porte son nom. Mais durant plus de 20 ans il a plutôt cherché le triangle des bermudes de la musique populaire française, mettant dans sa recette une goutte de punk, une goutte de musique de chambre, de chanson, de pop brésilienne, d’électronique…
Motors c’est la bonne occasion de se demander ce qui fait un bon coffret.
L’objet? Le livret est bien renseigné, il mélange témoignages et reproduction de pochettes, tout va bien. Beaucoup de ces pochettes étaient certainement déjà mochedingue à l’époque, mais Guy Pellaert ne pouvait pas non plus bosser pour tout le monde que voulez vous. En fait on n’a jamais vu autant de pochettes affreuses en si peu de temps depuis notre dernière sortie dans un dépôt-vente. Passons, les textes nous éclairent sur l’histoire du label, ce n’est pas inintéressant.
On repose la question. Ce qui fait un bon coffret? L’unité et la découverte.
L’unité c’est facile, le catalogue n’était pas si énorme que ça, beaucoup d’artistes apparaissent 3 ou 4 fois, jusqu’à 8 fois (sur 54 titres). Unité pas si évidente à regarder de près, car le catalogue court de 1964 à 1985, et la bonne idée consiste a avoir mélangé les périodes dans chacun des 3 disques. Un ordre purement chronologique aurait montré la longévité du label, alors que le but était plus de faire ressortir un esprit. C’est qu’on est malin chez Motors.
La découverte, elle est ambivalente. Les mots bleus, c’était chez Motors. Oxygène? Motors aussi. Vous qui vous demandiez encore aujourd’hui comment Jean-Michel Jarre avait pu se retrouver parolier de Christophe (qui est un peu le prédécesseur de Daniel Darc, CQFD), la réponse vous saute aux yeux. Ils étaient collègues de bureau, heu… de label. Ceci pour dire que tous autant que vous êtes vous avez déjà entendu des productions Motors. Le Stéphanois, superbe album de Bernard Lavilliers, c’est encore Motors. Et avec le titre ci-dessous, vous vous demanderez comment ce type n’est pas venu titiller Gainsbourg sur son trône. Le compositeur de BO adulé de toute la planète, François de Roubaix, Motors toujours.
Ca commence à peser lourd en néon sur la devanture. Il ne manque gère que Jacno et Polnaref pour avoir l’équipe type de la musique populaire de grande classe de l’époque.
Pourtant le label hébergeait aussi des noms restés dans l’ombre. On prononce plus souvent le nom d’Alain Kan qu’on n’écoute ses disques, provo et déjantés mais pas inoubliables. Le plus sympa, ce sont ces artistes rock’n'roll, qui n’ont pas eu l’heur de profiter de l’aspiration “salut les copains”, malgré la participation d’Eddy Vartan à la production de Larry Greco. Ou celle de Bernard Lubat, batteur de luxe de Léonie. Et puis tout de même, un des rarissimes arabes à avoir eu droit de cité sur un label grand public, Mounsi. D’ailleurs on se dit qu’entre lui, Lavilliers ou Alain Kan, Motors hébergeait ceux qui ne trouvaient pas à signer ailleurs. Décalés, provo, avec parfois d’excellents titres, mais… mais cela tient-il d’identité artistique à un label?
Bernard Lavilliers - Les Aventures Extraordinaires D’un Billet De Banque by Kapitein
Bilan?
Contrasté, le bilan, même si l’on est ravi d’avoir fait des découvertes et re-découvertes. Dommage tout de même de pas entendre le chant de la magnifique Johanna Shimkus sur l’extrait de Tante Zita. Mais un régal de se prendre la new wave dure comme l’acier de Maxim Rad, cousine de Marquis de Sade et des Stranglers. Il y a ceux à qui ce coffret rafraichira la mémoire, et qui seront aux anges. Il y a les autres qui en espèreront de belles découvertes, et qui seront un tantinet plus mitigés ;-)
L’autre bilan, c’est celui de Dreyfus, l’homme et le producteur. Un type qui suit ses idées, visiblement courageux, et encore plus visiblement avec un instinct pas possible. Un producteur, quoi, un vrai, une espèce rarement célèbre, mais précieuse vous n’imaginez pas comme.
