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Le dîner de cons

par arbobo | imprimer | 22août 2007

Quel plaisir d’avoir une raison officielle de faire un titre grossier :-)
Alors qu’en plus c’est pour parler de disques plutôt fins.

Edit avec du son

Il se trouve que j’habite un quartier où tout ce qui n’est pas la terrasse d’un troquet est l’entrée d’une salle de concert (ajoutez 2-3 coiffeurs et des vendeurs de téléphones, vous aurez le compte). Autant dire que quand une maison de disque a décidé de mettre le paquet sur une sortie, je suis plutôt au courant. Même que les autocollants “Imbécile” partout sur les murs et les bittes d’amarrage, je commençais à saturer sévère après des mois de pré-lancement. Je m’apprêtais déjà à ne pas aimer. Sauf que…

Pas de bol, non seulement Olivier Libaux, moitié du projet Nouvelle Vague, a un parcours très respectable, mais les interprètes qu’il a choisi pour ses chansons sont tous des gens que j’aime. Imbécile met en scène 2 couples, c’est un concept album sur le modèle d’une comédie musicale, comme le précédent disque de Libaux.

Salut Fernand, bonjour Hélène, bienvenue Thérèse, ciao René. Tout le monde est là, on peut passer à table.

Alors, ça n’est pas que je souhaite du mal à ce disque, pas du tout. Mais après le marketting agressif qui dure depuis des mois, je fais le pari que le disque se vendra raisonnablement et je préfère vous parler de ses interprètes. Katerine, Héléna Noguera, Barbara Carlotti, et JP Nataf. Voilà ceux qui se cachent derrière les personnages de Libaux. Le disque n’est qu’à moitié abouti, l’album n’étant pas tout à fait suffisant pour faire exister les personnages. D’autant que la plupart des titres sont chantés à une seule voix, et cette suite de monologues peine à conforter l’ideé d’un échange entre les personnages. Pour juger sur pièce, concerts à Paris les 4 et 5 novembre. Extrait ici, Ils sont marrants les gens (JP Nataf) et Mes belles années (Héléna) :

free music

free music


Reste que les morceaux sont assez sympa, dans un registre qui évoque en particulier les premiers disques de Katerine. S’il est ici associé à sa vraie compagne, Héléna Noguera, il me semble que l’autre couple du disque est purement créé pour l’occasion. Loué soit Libaux d’avoir eu cette idée.

JP Nataf a d’abord connu un premier succès avec les Innocents. Mais il n’a cessé d’écrire depuis, tantôt pour Jil Caplan, tantôt avec une Jeanne Cherhal pas encore connue (dans leur groupe Redlegs). Nataf ne fait pas de grosses affiches, mais il poursuit son bonhomme de chemin, bossant avec Murat, Mirwais, ou Agnès Jaoui…

Voilà un type qui bosse rarement seul, et le retrouver sur Imbécile n’a rien d’étonnant. Sur son magnifique album solo, Plus de sucre, il a même eu la grande idée de sortir de son placard Kim Fahy, qui fit jadis mon bonheur avec les Mabuses. C’est une pelote, JP Nataf, on tire son nom et toute une pelote de collaborations de prestige se déroule aussitôt. Car ça ne s’arrête pas là, Plus de sucre a été l’occasion d’un superbe épisode de l’émission Die nacht sur Arte, un très beau film où il joue avec Albin de la Simone et Fahy.
J’ai eu le plaisir de tomber dessus par hasard et c’est un régal. Démerdez-vous pour le voir en entier, ça vaut le coup.

Autre invitée de Libaux, Barbara Carlotti, sans faire grand bruit, s’installe progressivement dans notre paysage sonore. Celle qui joue la compagne de Nataf sur Imbécile a même repris en showcase un titre chanté par Katerine sur l’album. Et elle s’en tire bien, car figurez-vous qu’on tient là une très belle chanteuse.

Il y a une chanson sur son deuxième disque Les lys brisés, qui démontre la qualité de Barbara Carlotti. Pour la première fois j’entends une chanson de name dropping qui n’est ni plombée par un second degré pathétique ni par une volonté ridicule de toucher les idoles. Même chez Gainsbourg j’ai souvent du mal lorsqu’il emprunte à Verlaine ou écrit “la chanson de Prévert”.

Dans Cannes, Carlotti fait l’exact contraire de Vincent Delerm, avec qui elle a pourtant fait un duo sur scène (le pauvre n’a aucun sens du ridicule pour oser se produire avec de vrais chanteurs). En même temps on pouvait se fier au label qui l’a signée, 4AD, label des Pixies, des Cocteau twins ou encore Dead can dance. Que ce label phare de l’indé signe une française qui chante dans sa langue natale, et même pas du rock, c’était plus qu’inattendu. Elle de l’allure, cette grande femme, et surtout 2 atouts majeurs. Les compos sont bien, mais surtout elles soulignent une écriture parfaite et une voix délicieuse.

De sa voix cristalline, posée simplement et avec un minimum d’effets, elle sert ses textes impeccables. Si j’ai longtemps eu du mal avec la chanson française, c’est que je sais d’expérience la difficulté d’écrire un texte court. Un texte qui ait une qualité littéraire ou du moins sonore, qui ait une certaine force, mais qui ne soit ni prétentieux ni ridicule, ni artificiel, qui ne tombe pas à plat, un texte qui sonne en bouche comme une robe sur mesure tombe sur un mannequin.
Barbara Carlotti échappe à tous ces pièges. Pas de cliché. Ses rimes ne sont pas convenues, ce qui en soi est un exploit, ses assonances et allitérations dynamisent le texte sans excès. Si vous avez entendu le dernier disque de l’indolore Elisa Tovati, vous saurez exactement ce que je veux dire.

Avec Mademoiselle K, on a trouvé une rockeuse, et en Pauline Croze une soeur magnifique qui nous fait pleurer. Ca n’est pas rien. Mais ce que fait Barbara Carlotti est tout aussi difficile, car la légèreté est un registre qui vous fait verser dans l’anecdotique, dans l’anodin déjà oublié, au moindre faux pas. Pour ne pas verser, il faut une grande finesse, et ô combien d’élégance.
Autant dire, du goût. Il en fallait pour faire allusion à Nico dans l’ouverture de Mélodie de la dernière pluie, et pour tirer un texte de la nouvelle Une rose pour Emily. Faulkner a écrit des romans fleuves, touffus et étouffants, mais aussi des nouvelles fines où l’on va droit à l’essentiel. Barbara Carlotti est à la hauteur, c’est dire. Car son écriture a précisément la qualité des grands auteurs de nouvelles, qui sont souvent américains. Cette manière de frôler l’inintéressant pour en tirer un moment délicat, sans doute l’a-t-elle puisée chez Fitzgerald ou Dorothy Parker.
Et pour couronner mon éloge, ses producteurs ont l’intelligence d’habiller sobrement son timbre intemporel, de ne surtout pas le sur-produire. Si elle garde le cap, Barbara Carlotti nous apportera longtemps de grandes joies.

Pour l’instant, je vous laisse savourer Cannes, en ayant à l’esprit qu’elle a des chansons bien plus belles sur son album.


Clip Cannes de Barbara Carlotti
envoyé par isanoguera

Alors, si vous ne connaissez encore ni Carlotti ni Nataf, ni la qualité de chanteuse d’Héléna Noguera, vous pouvez essayer Imbécile sans trop de crainte d’être déçus. Mais si vous avez de quoi vous offrir 2 albums au lieu d’un, savourez plutôt Plus de Sucre de Nataf et Les lys brisés de Carlotti.



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