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Kazuki Tomokawa, bonifié comme le vin

par arbobo | imprimer | 6déc 2009

Au début de l’été, vous faisant part de mes préférés de ce début d’année, je mentionnais un ovni. Le disque d’un japonais hyper-productif, dont le dernier né a mis ses auditeurs sur le cul.
Entre temps, un concert à emporter de la Blogothèque est venu me rappeler la promesse que j’avais faite d’écrire sur Kazuki Tomokawa, après des mois à éplucher sa discographie.

Longue, riche discographie que celle de ce drôle de type. Une sorte de Maïakowski nippon, vaguement cousin avec William Burroughs, en plus musicien.
Si l’attention se porte sur lui aussi tardivement, à l’orée de la soixantaine, c’est aussi parce que son dernier disque est bien au-dessus des précédents (du moins ceux que je connais). Avec presque un disque par an, il frise les 30 lignes de discographie si l’on compte les live. Il est aujourd’hui sur un label tokyoïte, PSF, où il côtoie l’excellent Tori Kudo (dont je vous recommande le duo avec son épouse Reiko, sorti cette année), et les barjots psychédéliques de Acid mothers temple. Plusieurs anciens albums de Tomokawa y sont réédités avec de nouvelles pochettes. Le problème étant que beaucoup de ses disques ne sont disponibles qu’en import, à des prix astronomiques.


Mitane Kawa

Avec pour trait commun un chant guttural qui lui a valu des surnoms liés à son “cri”. Rien d’étonnant pourtant. La tradition artistique japonaise a dévolu aux voix de femmes et d’hommes des stéréotypes sexués au contraste très marqué, aux femmes la petite voix enfantine, aux hommes la voix martiale et grave. Le cinéma en fournit un bon exemple.
Etant handicapé pour vous parler des textes, me reste la musicalité. Tomokawa a une voix, déjà. Pour qui veut être poète, ça peut aider, et c’est toute la différence que ressentira un japonais à l’écoute suave d’Abd al Malik ou du pénible Grand Tâcheron Patraque.

Sur son nouvel album, Inakamono No Kara Genki, Tomokawa a créé une musique perturbante. A l’exact rencontre de Vladimir Vissotsky, le russe dissident, et du flamenco. Le guttural Tomokawa a su s’abreuver à deux autres traditions vocales du chant brandi la main sur le poitrail. On n’en ressent que mieux l’apport de l’une et l’autre culture, goûtant avec excitation ce monstre croquant qui explose sous la dent.
Ce qu’on entend là, une fois passé l’exotisme et autre sentiment de bizarrerie, continue de vous gratter la tête.

Kazuki Tomokawa n’a pas un mais des styles musicaux. Tout en ayant une certaine constance. D’un côté la douceur du chant comme sur Koko Wa Doko Nanda (2004). De l’autre ce fameux penchant flamenco, déjà présent sur Maboroshi To Asobu en 1994.

A ses débuts en 1975, il est nettement dans une veine folk sobre, Joan Baez and co, c’est un Maxime Le Forestier japonais, tout doux et encore très “chanteur”. Ce qu’il fait à l’époque n’est pas renversant, et son chant est mièvre, surtout pour qui ne peut comprendre ses textes. Le titre final, malgré un piano très correct, est même franchement une purge. Dès Nikusei en 1976, on découvre sur le premier titre une toute nouvelle personnalité, ce fameux chant en ruptures et en cris. Une sacrée claque, surtout après l’eau tiède de son premier disque. Ca se gâte en cours d’album avec un rock 70s digne d’une série B de la ZDF (Hodokyo, une horreur), mais le Tomokawa intriguant et unique est déjà là. Malheureusement il va passer 30 ans à se fourvoyer dans des orchestrations de jingle de pub pour shampoing. Jusqu’en 2009.
Pas surprenant avec le recul, que la planète “indé” le découvre seulement maintenant. Comme il met souvent son meilleur titre en début d’album, on se fait avoir chaque fois avant de déchanter. A l’encontre de tous nos repères musicaux, c’est en 1986 qu’il sort un de ses meilleurs disques, Muzan no bi, bourré de piano, assez nostalgique (sans doute son disque le plus triste) à défaut d’être prenant. Pas encore au niveau du dernier, mais très valable, et surtout sans faute de goût, contrairement à la plupart de ses disques.

Parfois ce sont les cordes qui s’en mêlent pour un quasi instrumental, dans Me O Muite Tabeteiru Anata (la compilation est de 2004, j’ignore la date du morceau). Oubliez vos clichés sur le zen, le dépouillement du samouraï, Tomokawa est un poète et il sait explorer des esthétiques différentes. Le piano de Muzan no bi fait très Europe 1900, les vents de Kojou et les volutes du chant féminin appellent à un lyrisque de fond de saké, mais du moins on sait que cet homme là regarde un peu partout, curieux de toutes les musiques. Sur son dernier album on entend même des réminiscences de Salif Keita (en japonais, je vous raconte pas l’effet que ça donne).
Je le préfère dans la plus radicale de ses expressions. Car son chant se marie mal à la pop, comme dans Once I stared afar qui ouvrait l’an dernier Blue water, red water, avec son violon électrique qui fonctionne pas mal tout seul, mais devient très bizarre dès que la voix se pose sur lui.
On peut le dire franchement, Tomokawa a souvent des goûts de chiotte dans ses instrumentations. Capable de nous fourguer une flûte de Pan irritante, puis de séduire à nouveau avec un duo guitare/accordéon (A song of innocence). Comme de juste, il a aussi flirté avec le folk, un folk à la Greame Allwright ou à la Christine Authier, très acadien, comme on l’entend sur son dernier disque avec Inakamono No Kara Genki ou avec Yume No Souryou (un peu plus dylanien).

Aussi, quand on dit que Kazuki Tomokawa se bonifie avec le temps, c’est une accroche totalement fausse. Son dernier album Inakamono No Kara Genki est probablement son meilleur, il est vraiment beau, vraiment réussi, et totalement déroutant pour qui découvre cet artiste. Pas surprenant que nous soyons quelques uns à avoir eu le coup de foudre. Pas certain pour autant que la magie aurait fonctionné avec ses albums des 15 dernières années.
Avant toute chose écoutez donc ce Inakamono No Kara Genki. Si vous n’êtes pas envoutés par la perle Mitane kawa ni par Chansu, vous pouvez être certains que Tomokawa n’est pas pour vous. Pour les autres, qu’on espère nombreux, ce sera la découverte la plus inattendue depuis longtemps.



Comments

4 Commentaires


  1. 1 Mmarsupilami on décembre 6, 2009 23:47

    Bon, reste plus qu’à chercher des albums de ce brave garçon!
    Le rock japonais vaudrait une vie d’investigation…
    Dans tous les styles musicaux, d’ailleurs.
    Merci pour ces conseils!

  2. 2 arbobo on décembre 7, 2009 0:08

    houlala oui marc, dans tous les styles,
    rien qu’avec tomokawa, nisennenmondai et acid mothers temple, on a de quoi faire ^^

  3. 3 Tur on mai 2, 2010 22:28

    Moi qui vient de le découvrir dans le formidable Izo de Takashi Miike et qui cherchait par quel album commencer, voilà une bonne bouffée d’air frais dans les profondeurs de sa discographie ! Un grand merci !

  4. 4 arbobo on mai 3, 2010 9:31

    my pleasure Tur :-)

    et tu devrais apprécier certainement une interview à venir avec Joseph Ghosn, vu ton blog

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