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Topic: des disques..., interviews
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Joan as police woman, en toute liberté (interview)

par arbobo | imprimer | 10juil 2008

L’annonce d’un nouvel album de Joan Wasser, qu’on connait sous le nom de Joan as police woman, avait tout pour me réjouir.
Après un premier album subtil et chaleureux
chroniqué ici même, quelle voie allait emprunter celle qui m’a réjoui l’an dernier sur scène?


Joan Wasser a choisi la cohérence, elle poursuit dans une veine entre pop et soul déjà dominante sur Real life. Sur To survive, le ton est donné dès le titre, mais c’est un disque d’espoir, de force tranquille, qui évoque à sa manière le gospel. Le rock de son tout premier maxi, le rythme vif et dansant de Christobel sur le premier album, ont disparu. To survive est un beau disque clair-obscur, auquel certains ont déjà reproché de manquer d’aspérités.
Mais la douceur de cet album, soulignée par la production, n’a rien d’affecté ni de mou. Sur scène la fougue revient au premier plan, mais Joan est passée par bien des épreuves depuis quelques années et ce n’est pas par la colère qu’elle en ressort. Elle est dure au mal, cette jeune femme au sourire calin et triste à la fois.
De la tradition soul, Joan as police woman a retenu les ingrédients essentiels, la voix, la douceur d’une main ferme, la générosité surtout, qui nous étreint.
Comme sur le disque précédent, Joan a eu le bon goût de s’entourer de splendides (mais discrets) chanteurs, David Sylvian sur Honor wishes, et Rufus Wainwright sur To America, qui sont avec To be lonely mes préférées de l’album.

Real life brillait de certains joyaux, quitte à décevoir un peu sur certains changements de rythme. To survive donne l’impression inverse, sa cohérence est sans faille mais on n’entend pas, à la première écoute, le tube qu’on se passera en boucle toute la soirée. Joan n’a peut-être pas cette ambition là, mais sa voix nous va droit au coeur, et ses titres m’accompagnent à tout moment. Comme une cousine, plus soul, d’Everything but the girl, mais aussi de Leonard Cohen ou des Tindersticks les moins orchestrés.
Il n’est pas besoin de faire le disque de l’année pour nous offrir un très bel album, émouvant, qu’on écoutera souvent et longtemps et qu’on offrira. Un tel disque existe, et il est distribué par PIAS ^^

Le magnifique concert au Nouveau casino a été capté par Chrystèle avec le talent qu’on lui connait.

Quant-à Joan Wasser, à défaut de l’entendre de vive voix voici les réponses qu’elle a eu la gentillesse d’apporter à mes questions. Une interview qui la révèle au naturel, d’une grande maturité mais surtout d’une étonnante sincérité.
Les anglophiles pourront lire la version originale ici

Joan, pendant des années vous étiez au service d’autres leaders, uniquement musicienne et jouant les créations des autres. Est-ce que l’idée d’enregistrer vos propres morceaux est venue naturellement? N’a-t-il pas fallu aussi réapprendre le rapport à la scène?

J’ai du apprendre à être sur scène dans ce rôle nouveau, mais j’ai pris mon temps du coup la transition m’a parue naturelle. Quand vous êtes leader vous ne pouvez pas avoir autant de suffisance, à mon avis, vous devez vraiment être complètement vous-même.

Cette nouvelle carrière a apporté d’autres changements, à présent vous êtes une chanteuse, et de grande classe, étiez-vous impatiente de chanter ou était-ce un peu effrayant?

J’étais terrifiée par l’idée de chanter, c’est pour cela que j’ai poursuivi, justement. Je suis quelqu’un qui plonge la tête la première dans les choses qui m’effraient le plus, pour le meilleur et le pire. Je sens que, lorsque je sens une certaine peur, là il y a quelque chose à apprendre pour moi. Et effectivement, je sens qu’apprendre à chanter m’a forcée à apprendre qui j’étais et au bout du compte à grandir énormément.

Vous avez joué avec des artistes connus voire célèbres, d’Antony à Nick Cave ou Lou Reed, parmi d’autres. Comment avez-vous vécu de revenir à des salles de concert beaucoup plus petites, et de devoir conquérir un public qui souvent vous avait déjà entendue au violon sans remarquer que c’était vous?

Je suis une personne qui cherche constamment à se prouver quelque chose -à me prouver, donc- et retourner à des scènes plus petites est un challenge que j’ai apprécié et que j’ai saisi furieusement.

Vous aviez déjà une solide carrière, et Joan as police woman était donc un véritable challenge. D’autant plus un challenge en étant sur un petit label, Reveal, moins connu ou puissant que d’autres.

Quand j’ai décidé de faire ma propre musique, j’ai pris la décision que ça ne pourrait fonctionner qu’avec des personnes et des labels que j’aime vraiment. J’ai aussi pensé que ce ne seraient que des labels indépendants, mais j’étais ouverte à tout. J’ai eu quantité de contrats, aussi bien avec des majors que des indépendants de toutes les tailles, et bien que je n’aie d’histoire horrible avec aucun, je n’ai jamais senti qu’aucun d’eux était le bon. Je me suis fait la promesse d’attendre la bonne situation. Et j’ai découvert que lorsque vous prenez ce genre de décision pour votre vie, vous serez exaucée.

On savait que vous aviez travaillé avec Antony ou Rufus Wainwright (qui ont chanté sur ses albums), mais comment avez-vous rencontré David Sylvian (qui intervient sur Honor wishes)?

David m’a contacté il y a un an parce qu’il avait écrit une chanson pour le disque de son frère (Steve Jansen) et voulait que je chante avec lui. En quittant le studio après l’enregistrement, il m’a dit en passant que si j’avais besoin de voix pour mon prochain disque il serait heureux d’y participer, et ça, je ne l’ai pas oublié!

Vous avez pris des risques en fondant Joan as police woman, ce qui était un acte de liberté. C’était aussi un enjeu en tant que femme comme en témoigne la pochette de To survive, qui renvoie à la fameuse Rosie la riveteuse “we can do it”. De plus en plus de femmes sont leader de groupes, mais est-ce plus facile qu’auparavant?

Je suppose que je ne peux que supposer que C’EST plus facile. Je suis si reconnaissante envers toutes ces femmes qui m’ont précédée qui ont accompli un incroyable travail de fondation pour quelqu’un comme moi. Joni Mitchell, Nina Simone, Chrissie Hynde, P.J. Harvey, Annie Lennox, Siouxsie Sioux, toutes ces femmes et tellement d’autres ont aidé à ce que ça devienne plus facile, et j’espère que j’accomplis aussi ma part pour le futur.

A vous voir sur scène, il saute immédiatement aux yeux que c’est votre univers. Vous parlez aussi beaucoup au public, vous êtes encore plus proche que sur vos disques. Cette proximité, cette sensation d’intimité, est encore plus forte sur To survive que sur Real life. Etait-ce un choix ou l’avez-vous réalisé après-coup?

Je m’efforce d’aller au plus profond de mes sentiments et de les exprimer aussi directement que possible. Je pousse encore  mon écriture dans cette voie. Je sais que mes sentiments ne sont pas uniques, si je les ai ressentis, je suis certaine que chacun les a ressentis, sinon de la même manière du moins les mêmes sentiments. Et je sais que lorsque je me sens esseulée avec mon chagrin ou mon désespoir, un moyen sûr de me sentir mieux est de les partager. Je me suis sortie de tant de tentatives en écoutant de la musique qui m’a donné à ressentir, et à présent j’essaie de rendre la pareille.

Sur scène vous jouez beaucoup plus rock que sur vos disques. De votre premier maxi à Real life puis To survive, votre musique s’éloigne du rock, devient plus soul et jazz, mais pas sur scène où l’an passé vous avez joué un My gurl et surtout un Furious extrèmement rock. Est-ce qu’on peut vous connaître vraiment par vos seuls disques sans vous avoir vue sur scène?

J’ai l’impression qu’un auditeur prend ce dont il a besoin dans n’importe quelle musique. Ils peuvent me connaître si ce dont ils ont besoin est sur le disque. J’ai l’habitude de présenter des concerts plus énergiques et, souvent, le public réagit positivement à un joli nombre de morceaux rapides. Récemment j’ai cassé le piano au festival de Roskilde, et je suppose que ce n’est probablement pas ce à quoi on s’attend en entendant mes albums.

Cette évolution de style vous a aussi amené à chanter différemment, on dirait. Un chant moins carré et direct, plus soul, ave des notes tenues, mais toujours en restant sobre, avec peu de vibrato. Votre chant et vos morceaux semblent délibérément simples, malgré un beau travail de production ils restent humbles.

Je pense que la voix sort le plus honnêtement lorsqu’elle est le moins ampoulée pour masquer un déficit d’expression. Il n’y a pas de confusion possible sur l’émotion quand elle est chantée de la manière la plus pure que je peux.

Vous vous impliquez beaucoup dans la production, et cet album a une unité très forte, dans les rythmes et dans l’ambiance, il n’y a pas de vraie accélération notamment. C’était un choix de votre part d’aller vers une telle unité de style ?

Honnètement, j’ai juste enregistré les 13 chansons que j’aimais le plus et retenu les 10 qui fonctionnaient le mieux pour le disque. Je n’ai pas « essayé » de faire un disque qui sonne comme ceci ou comme cela. Mon sentiment est que si vous laissez les choses venir, elles donneront forcément la meilleure représentation de ce que vous avez à offrir de plus beau, plutôt que d’essayer de les forcer à rentrer dans un cadre prédéterminé. Je sais que le résultat final est là, quelque part devant moi, et je n’ai pas à me soucier de ce qu’il sera avant que l’album soit achevé.

Sur le nouvel album j’ai reconnu certains titres que vous aviez joué l’an dernier, à commencer par To be lonely. Quand avez-vous décidé de vous arrêter pour enregistrer un nouvel album ? Aviez-vous déjà composé tous les titres durant la tournée ?

J’ai écrit tous les titres de ce disque pendant la tournée de Real life. J’ai tourné pendant un an et demi, et aussitôt que j’ai quitté la route j’ai commencé la pré-production de To survive. Je sentais que je devais prendre ces chansons que je jouais depuis un moment pour leur donner plus de corps et, pour moi, cela signifiait réaliser un nouvel album.

Vos paroles et votre musique sont intensément chargées d’émotion, et m’évoquent le sens plein de l’expression « soul music » (musique de l’âme), qui vient du fond du cœur avec une grande générosité. Est-ce que la musique peut soigner, panser les plaies ? En écoutant l’album j’ai pensé au titre de Sam Cooke Soothe me (« apaise moi »), et j’ai réalisé que c’était exactement l’effet que vos chansons avaient sur moi.

A vrai dire la première chanson que j’ai reprise en solo était un morceau de Sam Cooke. Il m’inspire beaucoup. Ce que vous dîtes est tellement gentil. Oui je crois en effet que la musique peut soigner. Il est certain qu’elle m’a aidé, et beaucoup de gens autour de moi. Pour moi c’est dieu.

Une autre inspiration majeure pour vous est Nina Simone. La reprendrez-vous un jour ?

Je trouve l’inspiration dans tellement de musiques et tellement de gens qui font de la musique. J’ai repris des chansons de Nina, et Mary J. Blige, des chansons de Judy Garland, des chansons de Jimi Hendrix, de Bowie, j’adore la musique.

Merci Joan :-)



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