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Topic: bandes originales
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Herrmann mellville

par arbobo | imprimer | 24déc 2006

Déjà, lire des livres consacrés à la musique est une drôle d’idée. Mais pour ouvrir un livre sur la musique de film, il faut avoir un grain. Ni musique, ni film, la totale, bravo, dans le mille, bingo. Pourtant, les Cahiers du Cinéma et le CNDP (le truc de pédagos pour le scolaire) ont créé une excellente petite collection didactique. Ces petits ouvrages portent chacun sur un aspect du cinéma, montage, dialogues, ou sur un auteur. L’un d’eux porte sur la musique de film, il est signé par Gilles Mouëllic. Mais contentons nous de nous pencher sur une poignée de ces compositeurs et notamment le plus prestigieux d’entre eux (tic tac, tic tac, lequel est-ce?).


C’est amusant de voir comme ce petit ouvrage tient sensiblement le même discours qu’un documentaire paru récemment en Dvd, Music for the movies. La pochette vend un docu consacré à Bernard Herrmann, qu’on connait surtout pour ses collaborations avec Hitchcock. Mais ce film de Joshua Waletzky fait 52 minutes, alors qu’un « bonus » du même réalisateur nous livre un livre d’une heure et demie sur les compositeurs de la grande époque hollywodienne. Bien faits l’un et l’autre, les documentaires, et par rapport à un livre on gagne la confrontation immédiate du discours et de l’exemple.
Le rideau déchiré est le dernier film sur lequel Herrmann a travaillé avec Hitchcock, qui l’a viré comme un malpropre quand les producteurs ont suggéré de prendre un jeune pour relancer le succès commercial. Mais la rupture n’est intervenue que tardivement, Herrmann avait déjà achevé une grande partie de la composition. Il a gardé pour lui tout ce matériau, et la scène du meurtre à la campagne, qui dure pas loin de 10 minutes (j’ai pas vérifié), est totalement dépourvue de musique. Les réalisateurs ont eu la bonne idée de la remonter sur le dvd avec la musique conçue par Herrmann, et la scène a effectivement plus de poids avec ce traitement adéquat.
Si les témoignages confirment que c’est Hitchcock qui s’est comporté une fois de plus comme un mufle dans cette histoire, il n’était pas facile non plus de s’entendre avec Herrmann. Imprévisible et capable d’accès de colère ou de déversement bilieux. David Raksin, compositeur de la musique de Laura (à commencer par le fameux standard de jazz du même nom), se décrit comme un des rares ne pas s’être éloigné de lui, bien qu’il ait subi plus d’une fois l’amertume de Herrmann. Le film laisse entendre que seuls les hommes avaient droit à ses insultes. Pour le générique d’un film, aucun carton n’était prévu au générique pour l’interprète de la viole d’amour. Herrmann a tout simplement offert de partager sa page du générique avec Virginia Majewski, preuve que ce lunatique n’était pas que dans le rejet mais se montrer gentil.


Bernard Herrmann n’appartient pas à la première génération dorée qui a créé le type de la musique hollywoodienne, mais il a suivi de peu Max Steiner ou Franz Waxman, présentés dans le second film. Son style est décrit par ses pairs, avec admiration pour son sens de l’efficacité. Bernie Herrmann ne faisait pas partie de ces compositeurs, nous disent-ils, qui cherchent à construire une partition capable de tenir toute seule par ses propres moyens. Les experts, Raksin en tête, relèvent au contraire son art consommé du motif, court passage qui surgit au moment donné pour obtenir l’effet voulu, comme les cordes stridentes de la scène du poignard dans Psychose.
Herrmann utilisait les formes à sa disposition, réduites à leur plus simple expression, jouant sur la répétition et la non-résolution. Souvenez-vous, Djac vous a parlé de l’importance de la résolution dans la composition traditionnelle, et du sentiment de pesanteur ou d’angoisse qui accompagne la non-résolution. La mélodie évolue, en variations, sans se répéter exactement mais sans donner l’impression d’aboutir, ce qui génère une tension ou y contribue. Pas étonnant que Hitchcock en aie longtemps fait son complice. Mais sa première grande partition fut composée pour un autre film-monstre, Citizen Kane, chef-d’oeuvre inaugural d’Orson Welles en 1941.

Son dernier grand film comme compositeur fut l’énormissime Taxi Driver de Scorcese. Martin Scorcese n’a pas eu de mal à le convaincre et bien lui en pris car pour la première fois Herrmann a introduit le jazz dans son langage, créant un mélange magnifique, sombre comme presque toutes ses compositions, collant parfaitement à l’atmosphère crasseuse et désespérée du film.


La musique de film - est-il utile de le préciser? - n’est pas le genre le plus valorisant pour un compositeur. Ni d’ailleurs le plus rémunérateur, Raksin ne détient aucun droit sur le thème de Laura, popularisé notamment par Erroll Garner, car toute la musique appartient au studio. Bernard Herrmann s’est parfois plaint, à son épouse notamment, d’avoir dû pour gagner sa vie faire carrière dans ce genre inférieur. Il a pourtant révolutionné ce genre dont il est devenu le symbole et l’un des plus célèbres exemples. A 40 ans il avait composé une symphonie et un opéra, pour lesquels il n’est absolument pas connu. De toute façon ses proches disent qu’il aurait voulu, intimement, être chef d’orchestre, Chabrol soulignant au passage ce paradoxe qu’il a fait carrière comme compositeur alors que tant de chefs souffrent de ne pas être reconnus comme compositeurs


Que ce soit Mouëllic ou les documentaires, tous soulignent le bagage classique des grands compositeurs de cinéma, dont certains ont eu pour professeur les plus grands, Richard Strauss pour Korngold, Gustav Mahler pour Max Steiner. Herrmann, lui, s’est intéressé principalement à Debussy et à l’américain Charles Ives avant qu’il n’acquiert la renommée.

Je parlerai un autre jour (bientôt, la rédaction est en cours) des questions de fond soulevées par la musique de film, sa place, sa forme, sa dimension artistique… En attendant vous pouvez tout à fait lire ce bouquin ou voir ces documentaires, ils sont bien faits et instructifs, truffés d’exemples très parlants.

Vous ne trouverez pas de développements théoriques dans ce dvd, qui ne traite de toute façon que d’un style, la musique hollywoodienne des années 40. Sans avoir le temps de les résoudre vraiment, le petit ouvrage de Mouëllic a du moins le mérite de balayer l’ensemble des aspects et les différents types de musique. J’aborderai aussi une autre fois les compositeurs français, qui n’occupent pas une petite place dans ce genre, de l’oscarisé Michel Legrand à Francis Lai en passant par Georges Delerue ou Antoine Duhamel. Patience.

Maintenant vous savez ce qu’il vous reste à faire. Non non, pas ça. Plutôt, dès début janvier, vous ruer sur radio Nova le dimanche à 20 heures, pour écouter Nicolas Saada dans Nova fait son cinéma, que j’ai déjà vantée ici :-)



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