Related

  • No related posts found.
The Author
Topic: transversales
Tags: , , ,

c’est du funk ou c’est de la soul?

par arbobo | imprimer | 10sept 2006

Suite à d’insistantes réclamations, je cède. J’ai repoussé des semaines de faire ce papier, mais au bout d’un moment fini les excuses… Bassement électoraliste, je me résigne à répondre à une question à laquelle je n’ai pas le début d’une réponse. Ca me changera pas trop, me direz-vous, ce qui prouve que vous êtes bien informés.

La colle.

Ca c’est la super colle qui me glue complet : entre le funk et la soul, quelle est la différence?
A vrai dire sur le fond je m’en moque un peu, mais quand des potes me posent la question sur Barry White ou Jamiroquai ou James Brown, je suis légèrement dans la merde jusqu’aux oreilles.
(Surtout James Brown, c’est le piège complet :-/
Ca me contrarie.

Et puis j’ai l’air d’un gland, à parler tout le temps de soul-funk et de ne pas savoir expliquer la différence. Honnêtement, pas grand monde dans le milieu des funkateers ne se hasarde sur le sujet, mais c’est pas une raison pour passer pour un baltringue.

Le pire c’est quand la personne qui me pose la question est musicienne, alors que je ne suis qu’un DJ qui fait tout à l’oreille et à l’intuition. Si les musiciens ne savent pas identifier la différence, comment est-ce que je pourrais bien la leur expliquer?
Deux méthodes :
1/ mentir
2/ me creuser la tête suffisamment longtemps pour que l’autre aie déjà plié bagage quand je vais enfin ouvrir la bouche.
J’ai bien quelques pistes, mais encore faudrait-il s’entendre sur quels disques entrent dans quelle catégorie.

Avant de me lancer, sachez tout de même que soul, funk, rythm’n'blues, afro-beat et même disco, sont des musiques qui se croisent et s’empruntent les unes aux autres, et font partie d’une même grande famille, une famille qui groove. Un peu comme le reggae entretient des cousinages avec le ska, le rock-steady, le dub, le raggamuffin, et maintenant avec le dancehall. Si vous ne comprenez rien à ce qui suit, ne vous inquiétez pas, ça nous mettra au même niveau.

Comment faire la différence?
La seule que je vois, c’est que la soul parle à mes oreilles, tandis que le funk parle à mes hanches. Désolé j’ai pas trouvé plus musicologique ni plus précis. En même temps c’est précis, si vous avez du mal à faire la différence entre vos hanches et vos oreilles je propose qu’on vous offre la chirurgie sans attendre noël.

Enfin tout de même ça donne une vraie piste, parce que ça met la soul du côté de la mélodie et le funk du côté du rythme. Intuition pas fausse, mais intuition trompeuse comme on va le voir. Prenez votre bande originale de Pulp Fiction, Let’s stay together de Al Green aura beau être passé en vitesse accélérée vous ne réussirez jamais à le confondre avec du funk. Impossible. Sans changer de disque, passez maintenant Jungle boogie, des grandioses Kool and the Gang.
D’après mon pote Cyril qui me bassine régulièrement avec cette fameuse question (Cyril, pose moi plutôt des questions dont je connais la réponse, t’inquiète je te ferai une liste), dans le funk les phrases mélodiques sont systématiquement interrompues. Le funk rend fou, la soul séduit. L’énergie du funk est accumulée, soutenue par une rythmique que les journaux qualifient systématiquement de “implaquable”, le thème monte mais ne va pas jusqu’à son terme suivant les préceptes classiques.  En fait on a à peine un thème, on a surtout des riffs, collés par la basse et/ou par les cuivres, qui en funk sont utilisés comme instruments rythmiques (d’où le choix de la photo de JB avec ses fameux cuivres).

Moi, en termes plus prosaïques, je me contente de dire que le funk est syncopé, alors que la soul, non.
Pour moi, l’illustration tient justement dans l’utilisation des cuivres. Typiquement, dans un morceau de soul on a un sax ou une trompette qui reprend le thème à différents moments, ou du moins le souligne en pointillé. Typiquement aussi, dans un bon gros funk, on a toute une section de cuivres héritée des JB’s, mais c’est une section rythmique, qui vient balancer d’énormes ponctuations. C’est un peu comme si dans le funk on n’avait que des refrains et des breaks. Quand on danse, le funk tue les articulations, les cuisses et les fessiers, parce qu’on entame un mouvement et on le suspend net pour suivre la musique. Le funk est heurté, là où la soul chaloupe, et c’est indépendant de la rapidité du tempo.

C’est sans doute pour ça que j’ai tant de mal à mettre James Brown quelque part. On l’a vite surnommé “the godfather of soul music”, donc l’affaire devrait être réglée. Sauf que si on suit les intuitions que je viens de proposer, on mettra plutôt le vieux James dans la catégorie funk. Pensez un peu à Sex machine, quand James demande à plusieurs reprises “Can I get into the bridge?”. Souvenez-vous encore de You’re under arrest de Gainsbourg, constamment interrompu par le chant (et non les cuivres ici) “ah-hum ah-hum”.

J’ai associé brutalement soul et mélodie, funk et rythme. Simpliste, et trompeur. En revanche, on se trompe déjà moins en disant que la soul est dans le chant, le funk dans les instruments. Le fait qu’il existe des morceaux de soul instrumentaux et une exception qui tient de la gageure, tandis que le funk se passe fort bien de chant sans rien perdre.

Nous y voilà ! Le chant, ingrédient indispensable de la soul, et qui lui fournit sa caractéristique. Car en soul les notes sont tenues un peu au-delà du temps, créant un subtil décallage. Ce qui fait qu’en chantant soul on transforme un morceau pop en soul. C’est comme cela qu’on retrouve l’immense  Minnie Riperton classée en soul, et on comprend pourquoi en entendant Lovin you. J’enfonce le clou :  le funk est tension alors que la soul est relâchement (question de rythme toujours, plus que de tempo). D’ailleurs, si vous m’autorisez cette vérité maquillée en jeu de mot, la soul traine.

En reprenant toujours le cas de You’re under arrest, morceau funk, on entend bien que les choeurs prolongent la note sur “you’re”, pour se ratrapper à toute berzingue ensuite sur “under arrest” envoyé au pas de charge, puis encore la note tenue sur “cause he’s SUUUUUURE” puis accélération sur “the best”. Mais attention, dans le funk on ne déborde pas de la mesure, on joue sur la durée des syllabes de façon à ce que les dernières rattrappent les premières en tenant bien comme il faut dans la mesure. Alors que les chanteurs et chanteuses soul débordent au contraire de la mesure. Ils terminent la leur un tantinet plus tard que les instruments, ce qui fait que même lorsque le tempo est rapide on a l’impression que la soul prend son temps. Le funk est une course d’accélération, chaque fois gagnée le souffle court, alors que le chant de la soul se pose sur les instruments, sans se plier à leur temps.

Peut-être parlera-t-on une autre fois de l’afro-beat. Le jazz, de son côté, a souvent croisé le chemin de la soul et du funk (pitié pas de question sur ce masculin et ce féminin, je n’ai aucune idée de l’explication). Soul-jazz d’un côté, jazz-funk de l’autre. Pour l’aspect soul, un instrument peut très bien remplacer la voix, avec le même décallage. J’avoue que je préfère quand c’est chanté. Le jazz-funk a donné de très beaux béébs, et parmi eux les disques 70s de Herbie Hancock figurent en bonne place. On retrouve dans Hang up to your hang-ups les ingrédients funk décrits plus haut. Mais pour l’instant, imaginons qu’on s’en fout (j’ai du mal, à l’imaginer, mais je fais confiance aux plus forts d’entre vous).

et alors, me direz-vous?
Alors rien, écoutez de la bonne musique, pour les étiquettes, laissez-ça aux bloggers en mal d’inspiration.



Comments

8 Commentaires


  1. 1 World of Soul on novembre 27, 2009 22:39

    Pour compléter ce très bon article je reprendrais la définition du funk donnée par Mister Maceo Parker: “danse, amour, sexe, odeurs fortes épicées.” Let’s dance !

  2. 2 Zizi on avril 23, 2010 9:15

    Ton article est pas mal =D
    Il est même plutôt bien, c’est exactement comme ça que je l’aurais défini, mais toi tu a su trouver les mots.
    Encore en pleine hésitation, tu viens de confirmer mes intuitions.
    Merci

  3. 3 arbobo on avril 23, 2010 9:47

    mais de rien, à vot’ service :-)

  4. 4 Boebis on juillet 13, 2010 12:54

    Très bon article qui répond très bien à une question que je ne m’étais jamais posé :-)

  5. 5 arbobo on juillet 13, 2010 16:21

    merci boebis, je t’avoue qu’avant qu’on me la pose je m’étais bien gardé d’y réfléchir moi non plus ^^_

  6. 6 denbass on juin 28, 2012 21:40

    Chapeau, sujet casse gueule mais avec une belle imagerie et une belle dose d’humour, ça le fait très bien. J’y avais réfléchi depuis longtemps et ça illustre très bien la chose, à tel point que bon nombre de maisons de disques qui sortent des best of Funk ou Soul raccoleurs feraient bien parfois de s’en inspirer pour éviter de se tromper dans les grandes largeurs,même si ces deux planètes d’un meêm système solaire sont passionnants. T’as financé combien de chirurgie depuis cet article ?????

  7. 7 arbobo on juin 29, 2012 8:35

    ah ah merci denbass, j’approuve pour le système solaire

    pour la chirurgie je n’ai pas eu beaucoup de réclamations ;-)

  8. 8 M.Point on octobre 25, 2020 22:59

    Super post ! Merci ! J’étais en train de me creuser la tête sur cette question que je me posais à moi même, j’avais bien noté que la présence du charleston (à contretemps toujours, parfois fermé deux fois, super chic) confirmait à coup sûr que c’était du funk. Mais je sentais que des morceaux sans le charley à la batterie étaient du funk quand même, méchant riff de basse et et … c’est là que tu as sauvé ma vie, et cette musique parle à mes hanches bien sûr ! L’irrésolu versus le langoureux, voilà voilà, je dormirai bien jusqu’à la prochaine question existentielle.

Name

Email

Site web

Commenter

XHTML: Balises possibles: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>


Subscribe

Tags

Archives

Par Date

Par categorie