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Topic: cat power
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Cat power : du chiggy dans le jukebox

par arbobo | imprimer | 20jan 2008
Portrait de l’artiste en archange et en Nina Simone.

Chan Marshall n’est jamais là où on l’attend. Elle débute sa carrière avec un rock indé dépouillé, rèche, une voix qui se casse dans les aigus sur des paroles qui nous glacent le sang, le tout sous le patronage d’un membre de Sonic Youth. Après son album le plus remarqué, Moon pix, elle ose un premier album de reprises, exercice qu’on estime plutôt réservé aux artistes intouchables, comme Patti Smith. Elle revient avec un album touffu, débordant de 14 titres épuisants de beauté et de dureté, très rock, mais le plus grand succès arrive en 2006 avec the greatest, puisé à la source de la soul sudiste.

Entre temps, des concerts solo, puis avec toutes sortes de formations, des collaborations à foison, et des interviews tantôt drôles tantôt déprimantes. Telle est Chan Marshall, Cat Power à la scène.

En 2007, Cat Power a trouvé un groupe parfait pour porter sa musique et ses arrangements changeants, le Dirty delta blues band, qui rassemble la crème de musiciens déjà remarqués par ailleurs (Jim White des Dirty three, Gregg Foreman, Judah Bauer, Erik Paparazzi). Elle termine donc la tournée Greatest avec ce groupe alors qu’elle l’avait débutée avec un semi big band soul. En 2007, elle enchaine alors concerts et enregistrement au Texas, puis concerts à nouveaux où elle rôde son album à venir.

Sur disque ou en concert, Cat Power a toujours utilisé énormément de reprises. Elle explique qu’elle ne voit pas pourquoi elle devrait se contenter de jouer sa propre musique alors qu’il y a d’autres morceaux qu’elle adore. Imparable. Mais encore faut-il avoir du talent pour les reprises.

Cat Power a l’une des voix les plus saisissantes du rock-blues-jazz. Ma peau réagit en 2 phrases, et j’ai le souffle court. Mais elle est aussi une arrangeuse absolument incroyable.
Malgré le nombre terrible de concerts qu’elle a saccagés au début de sa carrière, on trouve quantité de concerts pirates. Ajoutés aux sessions radio et à son Dvd surprenant, on s’aperçoit qu’elle joue rarement 2 fois un titre de la même manière. Une chanson est pour elle le terrain d’une perpétuelle réinvention. Cela tient à la fois du jeu, du plaisir de “faire” de la musique, et de l’angoisse irrépressible de cette perfectionniste chronique.
Ce petit teaser vidéo qu’elle a mis sur myspace illustre ce mélange de jeu et de quête de la perfection.

Chiggy



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Vous me direz, ce titre là, il n’est pas sur Jukebox (ah bon, on parle de Jukebox ici? où ça? ;-)

Car ce disque n’aura décidément pas de véritable liste de titres. Le 16 octobre, le label Matador annonce une liste “finale”, après que Cat Power ait annoncé avoir plus d’une vingtaine de titres parmi lesquels il faudrait opérer un choix difficile. Un mois plus tard la liste officielle est bouleversée.  L’album  fait 12 titres, mais d’emblée une version “deluxe”, augmentée de 5 titres supplémentaires, est annoncée. Peut-être entendra-t-on un jour les morceaux de John Fogerthy ou Chips Moman passés à la trappe, et remplacés par Joni Mitchell et Jessie Mae Hamphill.

Voici un pot pourri à partir de Jukebox*


On est pris d’emblée par une version de New York, New York totalement inattendue quoique vaguement familière. Elle donne le ton du disque, entre exigence musicale et connivence. Le plaisir est le fil conducteur de ce disque, ce qui n’en fait pas un best of d’Abba pour autant.
On voit mal à qui ce disque va déplaire. De the Greatest, elle a gardé cette fibre sudiste, à la limite de l’americana parfois, mais les arrangements sont ici au cordeau. Le groupe fonctionne à merveille, et j’ai hâte de voir tout ça en concert dès lundi :-)
Chanteuse de plus en plus accomplie, Chan Marshall a troqué de longue date ses aigus étranglés pour une voix grave à la texture inimitable. Par moment elle est à la limite de la justesse, mais la fragilité et la sincérité lui ont toujours paru préférables à l’exécution désincarnée.

Sur ce disque, sa maîtrise est impresionnante. Jukebox pourrait bien réunir à la fois les puristes de toujours et le grand public, qui l’a entendue récemment chez Wong Kar-Wai.
Aujourd’hui tout le monde fait des reprises, mais Cat Power les fait comme personne.

Jamais elle ne tombe dans le jeu pour le jeu, et s’il y a un commentaire qu’on n’entendra jamais c’est celui devenu célèbre par le film Amadeus : “trop de notes”. Tout coule. J’ai même été géné par moment par tant de facilité, je me suis demandé si Cat Power n’avait pas fait une dangereuse cure de FM. Mais cette immédiateté est de bonne augure.
Ma culture plus rock indé que rock sudiste me rend un peu moins sensible à Woman left lonely, qui peut rappeler Randy Newman ou le dernier Mavis Staples, mais c’est une question de style, pas de qualité, on voit mal comment de telles comparaisons peuvent être négatives. C’est d’ailleurs le seul titre qui me tire quelques réserves. Jusqu’ici, la musique de Cat Power était si new yorkaise qu’elle en devenait presque européenne. Là, plus encore peut-être que pour the Greatest, on est sur une interstate, de retour du studio texan vers Miami où elle habite désormais. Son Breathless rappelera aux nostalgiques le Trinity session brumeux des Cowboy junkies.

N’hésitez pas, tournez-vous directement sur le double-CD. La version vinyl ne contient “que” 14 titres, alors que le double CD ajoute 5 bonus aux 12 de l’album initial. Ils ne vous décevront pas. On y trouve l’un des meilleurs titres, Angelitos negros. C’est la première fois que j’entends Chan Marshall en espagnol et c’est un pur bonheur, sa voix semble faite pour cette langue. Le titre date de 1947, et elle lui donne une nouvelle vie à vous tirer des larmes.

Cat Power nous a habitué à reprendre des titres de toutes époques, y compris les plus récents (Wonderwall tout frais d’Oasis, ou l’an dernier Crazy de Gnarls Barkley, en concert). Elle est restée ici dans des années qu’elle n’a pas connu, avec des titres de James Brown, Dylan, Hank Williams, Billie Holliday, Janis Joplin… En dehors d’un inédit dédié à Dylan, song to Bobby, et d’une reprise magistrale de son propre Metal heart, méconnaissable et supérieur à l’original.
Qu’elle reprenne les chansons des autres ou les siennes, Cat Power les bonifie. Avec un feeling et une générosité auxquelles il est difficile de résister. De disque en disque elle conforte un statut de plus en plus intouchable, et devient je crois une nouvelle Nina Simone. Je reviendrai un jour ce sur ce portrait croisé qui me tient à coeur.

Avant de préparer la sortie de son disque, Cat Power n’a pas sacrifié à l’habituel rituel des interviews à répétition. Quelques télés, 2-3 radios, et pour le reste elle fait confiance au disque pour donner envie aux journaliste et blogueurs d’en parler. Elle a raison. Elle a d’abord raison parce que rien ne sert de sur-vendre un disque, et de toute façon la blogosphère résonne de Jukebox depuis son annonce à l’automne. Mais surtout elle a mieux à faire, Chan Marshall. Elle revient d’un voyage en Inde et au Bangladesh, avec l’ONG Charity water, qui améliore l’accès à l’eau et l’hygiène dans les régions pauvres. Elle repart pour l’Ethiopie prochainement avec cette ONG et les caméras qui réalisent un documentaire, où sa notoriété devrait permettre de populariser ce travail.

Il y a longtemps, Chan Marshall exprimait un désir d’engagement et une affection pour l’Afrique, sans trop savoir comment les concrétiser. Aujourd’hui, l’artiste au sommet de son art a suffisamment d’aura pour aider des combats auxquels elle tient. Angelitos negros, votre archange veille sur vous.


* : dans l’ordre, New York New York, Don’t explain, Metal heart, Angelitos negros.



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