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Reich nostalgie

par arbobo | imprimer | 6juin 2006
Steve Reich,

en voilà de la chance, d’avoir mis la main sur ce type là.
Je suis en train de lire un bouquin passionnant appelé tout simplement Minimalists. Ca tombe rudement bien, vu que ça parle, pour être franc, des minimalistes. C’te blague.

Le mec sur la couverture, là, oui, lui, c’est Steve Reich lui-même. Enfin  Son visage, quoi, son portrait si vous préférez. Capito? Vous me direz, peut-on faire confiance à un livre qui a autant de pouces (le système métrique, quoi, franchement, souvenez-vous Pulp Fiction!) ?

La réponse est oui. Parce que y’a tout plein de belles images dedans. Et puis parce que c’est un bouquin à la fois bien documenté et très lisible qui replace ces compositeurs dans leur contexte et dévoile le mécanisme de leur musique. C’est pas de refus.

Des 4 pionniers du genre Philip Glass est certainement le plus connu. En vérité ils sont 4, quasiment du même âge, à avoir défriché le terrain chacun à leur manière. Dans l’ordre, La Monte Young, Terry Riley, Steve Reich, et Philip Glass.
Tous 4 ont joué dans des formations de jazz et en ont beaucoup écouté, ce qui pour des musiciens étiquetés “contemporains” et passés par des formations universitaires classiques, ne va pas de soi même pour des hommes de leur génération (nés entre 1935 et 1938).
Les 2 premiers ont étudié ensemble en Californie, et joué ensemble. Les 2 autres ont étudié ensemble à New York. 2 pôles, mais 2 lieux d’aller-retour également, puisque Young et Riley ont joué à New York au moment où Reich et Glass allaient commencer leurs études. Tandis que Reich allait faire le chemin inverse en laissant en plan ses études new yorkaises.

On trouvera aussi dans ce livre des explications éclairantes sur le mouvement formel dominant à l’époque, la musique sérielle, plus mathématisée, et puisant ses racines du côté de Karlheinz Stockhausen. Tandis que les minimalistes, eux, partent plutôt du travail de John Cage, ce monstre incontournable de la musique contemporaine né en 1912. De Cage, ils ont retenu l’attrait pour les musiques non-occidentales, et des sérialistes une approche très formaliste de la composition.

Sans ce livre, j’aurais sans doute continué à ignorer que ce sont les premiers concerts new yorkais de La Monte Young qui ont fourni des idées à un mouvement d’avant-garde néo-dada, Fluxus (qui n’a pas fait que de la musique, loin de là). Ayant d’abord entendu parler de Fluxus, je les croyais -naïvement- antérieurs. Ridicule.
Plus étonnant encore, on y découvre de quelle manière Young a directement influencé la genèse musicale du Velvet Underground. Un des 3 ou 4 groupes qui a eu le plus d’influence sur l’évolution du rock. Excusez du peu.

De Fluxus, j’avais notamment retenu leurs “concert pour une note” et autre concerts pour seulement une poignée de notes. C’est chez Young qu’ils ont puisé cette décomposition extrême et ce dépouillement provocateur jusqu’au silence.
Mais je préfère Reich, en tout cas pour l’instant je connais mieux Reich et j’accroche nettement plus.

Chez Reich, j’ai retrouvé ces phrases musicales simples et bien timbrées, cette approche répétitive jusqu’à l’hypnose, que j’adore chez Stereolab, ou Sonic Youth qui ont d’ailleurs repris Pendulum music. Les disques de Reich sont parus successivement chez ECM puis sur le label  Nonesuch, ce qui pour un musicien contemporain est tout sauf banal, mais ô combien éclairant.

Reich est loin d’être un pionnier dans l’utilisation des magnétophones, et il n’est pas non plus le premier à utiliser les boucles (en anglais loop, l’outil de base de l’actuel sampling).
Par exemple dans ses “phase” (Piano phase, Violin phase, entre autres), Reich fait jouer très exactement le même morceau à 2 pianos, mais l’un va très légèrement accélérer pour avoir une note d’avance, puis après stabilisation va reprendre encore 2 notes d’avance, et le morceau finit lorsqu’il a une mesure complète d’avance. Il développe ici une idée qui lui est venue par hasard ou plutôt par chance.

L’un de ses premiers morceaux est complètement fou et absolument fascinant. It’s gonna rain est formé d’une simple boucle, enregistrée lors d’une harangue d’un prêcheur public annonçant le déluge final. Reich fait jouer cette simple phrase sur 2 magnétophone, lancés exactement en même temps. Mais la vitesse de rotation des 2 est très légèrement différente, et le décalage se crée, d’abord imperceptible puis créant une saccade et enfin formant un canon des plus inattendus.

Ces morceaux sont assez éprouvants à l’écoute, très demandeurs, et nécessitent une écoute seul-e dans le calme. Mais quelle gratification une fois le morceau lancé!
Sa pièce la plus connue est certainement Drumming, en 1971, qui intègre pour la première fois l’enseignement qu’il a reçu des percussionnistes africains à l’université du Ghana à Accra. Jouée live, de mémoire, par 13 musiciens ayant chacun une percussion différente, cette pièce est sidérante de simplicité et de complexité. Chaque musicien ne joue qu’une seule phrase, mais la complexité et la richesse rythmiques sont captivantes. Sur son site on peut télécharger gratuitement son enregistrement de 1976 de Music for 18 miusicians.

En février 2006, on a pu voir sur Arte 4 pièces de la chorégraphe allemande Anne Teresa de Keersmaeker, toutes créées pour des pièces répétitives de Reich (en particulier le magnifique Violin phase). Ce sont 4 chorégraphies filmées, spécialement mises en scène pour le filmage, à 1 et 2 danseuses.
Malgré l’épuisement d’une écoute prolongée de la musique de Reich, c’est la dernière pièce qui m’a le plus impressionné. Une scène ronde surélevée a été dressée dans une clairière, avec un dispositif simple à 2 caméras, dont l’une en plongée est très exactement au surplomb du centre de la scène.
La scène est entièrement recouverte d’une couche de fine sciure. La danseuse, pieds nus, y trace par ses mouvements des figures géométriques, pour un effet visuel vraiment séduisant qui donne une dimension supplémentaire à sa chorégraphie.

Y a pas à dire : Reich, y’a que ça de vrai.



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