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Paris n’existe pas

par arbobo | imprimer | 19jan 2014

Voilà un film de fantôme, qui inverse tous les codes habituels.

Critique de métier, Robert Benayoun a réalisé deux films en tout et pour tout (en 1969 et 1975). Dans le second, c’est Jane Birkin qui tient le rôle principal, avec une longue apparition de Gainsbourg. Une histoire de bande. Ou un tressautement de l’histoire. Sa pochade, plus récente a bien mal vieilli (un curieux mélange entre Jules et Jim et Le fantôme de la liberté de Bunuel), alors que Paris n’existe pas conserve une étrangeté tenace qui titille l’imagination.

Dans ce film énigmatique, Simon voyage dans le temps sans d’abord savoir ce qui lui arrive. Ce qu’il voit, il l’attribue à des visions qui envahissent son esprit, et son présent. Ainsi de cette femme qui semble le hanter, c’est pourtant tout le contraire. Il la voit, elle ne le voit pas. Il voyage, il est hors de son temps, alors qu’elle, et tous les autres, ne font “que” vivre leur présent. C’est lui qui, sans chaîne ni drap blanc, fait irruption. Comme ces personnages de dessin humoristique qui demandent en se réveillant “est-ce que je suis mort?”, Simon se demande d’abord “de quoi suis-je atteint?” et pourrait questionner autour de lui “suis-je un fantôme?”
Ni son confident (Gainsbourg) ni sa compagne (Danièle Gaubert) n’en savent plus, eux qui devinent à peine un trouble sans en comprendre l’ampleur.

Le film ne tient qu’à un fil. Les situations sont à peine esquissées, on va rarement jusqu’à leur donner une profondeur et encore moins des conséquences. Mais cette économie a un atout considérable : jamais le scénario ne s’aventure à esquisser une explication de ces voyages temporels. Ni véritable élément déclencheur, ni explication surnaturelle ou scientifique. A ce titre, Paris n’existe pas n’a rien d’un film de science fiction. Pas une seconde il n’est question de science. On peut douter tout autant d’avoir affaire à un film fantastique. Pas de transformation, et une fois encore pas d’autre conséquence à ces voyages temporels que le trouble et l’obsession qu’ils occasionnent pour le protagoniste.
Car du reste il n’y a qu’un seul véritable personnage. On connait vaguement son occupation (il est peintre), son nom, mais sa conjointe et son ami se partagent la portion congrue. La délicieuse Danièle Gaubert n’a guère l’occasion de démontrer son charme pétillant. Quant-à Gainsbourg, abonné aux seconds rôles dans des films originaux mais quasi-inconnus, il endosse avec sobriété un personnage mal défini, cousin de celui qu’il incarne dans Anna.

Benayoun parvient à beaucoup malgré une grande économie de moyen, et une manière de faire ressentir l’étrangeté avec peu, un ton de voix, un angle de caméra, qui peuvent faire penser à Tarkovski.

Simon finit-il par contrôler sa faculté surnaturelle? On peut le penser car il revient de manière obsessionnelle à sa “colocataire”, cette femme qui le précéda dans l’appartement. C’est le seul indice.
Être doté de ce pouvoir extraordinaire finit par exclure. Comme les super-héros, Simon est incompréhensible par ses contemporains, au point d’en devenir inaccessible. Soit que le pouvoir soit une punition. Soit qu’on ne puisse être et avoir été, et qu’à passer tant de temps hors du sien Simon s’efface progressivement du présent. Tel un fantôme.
Le film avance et se transforme, comme notre regard sur le personnage évolue. Oui c’est bien un film de fantôme, mais rien ne colle à ce que l’on associe à cette expression. On hésite entre plusieurs interprétations. Ici le fantôme n’est-il pas voyeur? Cette manière de suivre sa “voisine” dans son intimité sans qu’elle le sache là… A moins qu’il ne soit plutôt un témoin, du quotidien sinistre de l’occupation nazie, qui effraie tant la belle inconnue de son appartement.

L’action se déroule à la fin de l’été 1968, en plein Paris “quartier latin”, une page se tourne, celle du gaullisme triomphant dont les premières pages s’écrivirent durant l’Occupation. Une révolution? Le début d’une ère nouvelle? Ou bien seulement l’oubli, d’un passé aux résurgences tenaces? Une seule petite réplique du film entrouvre cette lecture, historique ou politique, c’est selon. En 2013, cet écho entre le contexte du film et son contenu nous trotte en tête avec insistance.

Ce dvd, c’est aussi l’une des toutes dernières interventions de Gilles Verlant, dont la longue interview constitue l’essentiel des bonus. Au reste, les bonus sont maigres et la principale qualité de ce DVD est d’exister, de rendre enfin accessible ce film peu connu et inédit. Même la bande originale, signée Gainsbourg, est passée aux oubliettes.

A aucun moment nous ne saurions deviner où nous conduit ce film, nous sommes aussi impuissants qu’Angela, compagne inquiète et désarçonnée. Et ma foi, c’est plutôt agréable.

Le dvd de Paris n’existe pas est paru fin 2013 aux éditions 13 bis.



Comments

1 Commentaire


  1. 1 BB on janvier 20, 2014 13:25

    Reçu par Papa noël, pas encore eu le temps de voir, mais du coup ça me rappelle que je dois le voir.
    Juste eu une overdose récemment avec Schnock Gainsbarre + une collection historique de marchands de journaux. Les collectionneurs sont débordés, mais “Paris n’existe pas” a l’air de montrer autre chose !
    b

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